Petite intro
La France est en train de vivre une « séquence » particulièrement éruptive en ce début de l’année 2023 avec la réforme des retraites imposée par l’obstination d’un seul homme, le président de la République, contre la volonté exprimée par 70% des Français qui, partout dans le pays, se sont massivement déployés dans les rues à plusieurs reprises pour crier leur hostilité à ce texte critiqué de toutes parts. Les plus grandes manifestations populaires depuis des décennies. Rien n’y a fait. Arc-bouté sur ses positions, refusant tout dialogue avec les partenaires sociaux, le chef de l’État enjoint à la Première ministre d’engager la responsabilité du gouvernement en ayant recours à l’article 49-3. Celui-ci permet d’adopter un texte au Parlement sans le soumettre au vote des députés. C’est chose faite le 16 mars. Un déni démocratique qui laisse la population sans voix… Avant que la colère n’explose à nouveau partout sur le territoire. Et soit toujours aussi présente le jour où cet article est publié.
De Gaulle avait utilisé le 49-3 pour faire passer des textes souhaités par l’opinion mais que la représentation nationale refusait de voter. Macron a fait tout le contraire. Une insulte évidente pour le peuple et la démocratie. Et qui laissera des traces durables dans l’esprit des Français.
Idée de cet article: l’utilisation des pancartes brandies durant les innombrables manifs pour construire un récit de cette période rythmée par la musique des casserolades. A ce propos, toutes les illustrations reproduites dans ce post sont issues de Twitter.
Casserolade: le mot clé de cette période
Une casserolade, ou concert de casseroles, est une protestation populaire consistant à frapper des ustensiles de cuisine en métal afin de produire du bruit et de manifester par là-même un désaccord.
Les casserolades se répandent comme une trainée de poudre dans tout le pays. A chacun de leurs déplacements, les ministres sont accueillis par ces concerts, à tels point qu’ils choisissent de s’échapper par des issues dérobées ou annulent leur visite au dernier moment. Le président est également attendu partout où il se rend « à la rencontre des Français » comme il le prétend, mais quelques centaines de CRS et un important périmètre de sécurité le protègent de la populace …
Naturellement, le pouvoir goûte peu ces démonstrations. Plusieurs préfets prennent des arrêtés anti-casseroles pour interdire les rassemblements et, pour ce faire, s’appuient même sur des lois antiterroristes. Simple rappel: la liberté de manifester est une liberté fondamentale inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il n’existe aucun cas dans lequel il est légal d’interdire une manifestation. Si il existe un risque de trouble, il appartient à la puissance publique de tout mettre en œuvre afin de le contrôler. Cf. cet article.
Petite illustration des casserolades.
Un préfet de la République s’est couvert de ridicule en prenant un arrêté interdisant l’usage de dispositifs sonores portatifs -disposition parfaitement illégale au demeurant- lors d’une visite du président dans l’Hérault. Car il avait été hué lors d’un précédent déplacement. La France entière a rigolé.
Pancartes à la carte
Je ne résiste pas au plaisir de vous proposer mon Top 4 des pancartes les plus amusantes, c’est personnel:
Jeux de mots linguistiques
C’était mon idée de départ quand j’ai commencé à colliger les pancartes des manifestants: travail sur les jeux phonétiques, les contrepèteries, les blagues plus ou moins douteuses… J’avais même commencé une taxonomie… que j’ai vite abandonnée par flemme et aussi parce que j’aurais dû exercer une veille beaucoup plus rigoureuse. Or, baigner dans ce tout-à-l’égout qu’est Twitter est assez démoralisant. J’ai d’ailleurs quitté le réseau social depuis plusieurs jours. Voici quelques perles:
La brutalité de l'exécutif
L’autoritarisme du pouvoir est loin d’être une nouveauté. Pendant l’épisode des gilets jaunes, la police a fait preuve d’une brutalité excessive dans la répression des manifestations. Ce qui s’est traduit par de nombreuses blessures, certaines fort graves. Sans que jamais le président et ses séides n’expriment le moindre regret ni ne présentent la moindre excuse.
Même attitude durant les premiers mois de 2023: des charges de CRS extrêmement violentes, des attitudes policières contraires à la déontologie, mises en évidence par les vidéos postées sur les réseaux sociaux. A tel point que l’exécutif est plusieurs fois rappelé à l’ordre. Après la commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe, après les déclarations de la Défenseure des droits, c’est au tour du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU d’appeler la France à « repenser ses politiques en matière de maintien de l’ordre » (Nouvel Obs du 10/05/2023). Rien de tout cela n’émeut le président et le ministre de l’intérieur qui refusent de parler de violences policières dans le pays.
Tout ceci s’ajoute à un tas de petites lois liberticides prises de temps à autre qui restreignent nos libertés. Macron s’est présenté en 2017 comme « n’étant ni de droite ni de gauche », nul doute aujourd’hui qu’il est très, très beaucoup à droite…
Et puis notre président est un bravache. Il se délecte de provoquer, se régale à verser de l’huile sur le feu, aime à répéter qu’il fait ce qu’il dit, que rien ne l’empêchera d’aller au contact des gens, qu’il a raison contre tout le monde, etc. Cet homme a de la testostérone à revendre. Même si il est profondément impopulaire et qu’un récent sondage a révélé que la majorité des Français éprouve pour lui un mélange de colère et de dégoût. Certaines images et pancartes sont explicites:
Comme mentionné plus haut, l’usage à répétition de l’article 49-3 par la Première ministre, le refus obstiné du gouvernement d’engager tout débat à l’Assemblée, le cynisme absolu des ministres répétant ad nauseam les mêmes éléments de langage et mentant en direct aux Français les yeux dans les yeux, l’attitude méprisante et condescendante du président ont fait exploser la colère populaire.
Le 49-3 qui a permis d’adopter le texte sur les retraites sans vote de la députation nationale a été très majoritairement ressenti comme un crachat à la figure en même temps qu’une véritable violation de la démocratie. Jamais sous la Vème République aucun président n’avait à ce point tordu le cou aux institutions et imposé une loi contre la volonté manifestée d’une majorité de citoyens.
Un goût prononcé pour la répression
S’attaquer aux libertés est une constante de ce pouvoir. A tel point que certains considèrent que la France n’est plus vraiment un État de Droit mais bascule de plus en plus vers un régime illibéral. Chacun se fera sa religion.
Ce qui est certain, c’est la frénésie des interdictions de manifestation et de réunion, prises de façon tout-à-fait illégale – et retoquées par la justice. Ce qui souligne la grande maladresse de l’exécutif et contribue davantage à son impopularité. Et explique le titre donné à cet article.
Encore quelques pancartes
Les manifestations reflètent les préoccupations du moment: l’inflation, le dérèglement climatique notamment. J’attire votre attention sur deux inscriptions: on en a plein le renflement et ma colère est dilatée comme jamais. Là, on entre (sic) dans le domaine de la grande littérature. Il s’agit en effet de citations du dernier ouvrage paru fin avril du ministre des Finances. Les psychanalystes vont se régaler avec cette scène plutôt crue qui peut prêter à plusieurs interprétations symboliques, mais c’est là ouvrir un autre répertoire.
En France, tout commence et se termine par des chansons. Aussi, en bonus, deux pastiches proposé par Les Goguettes, un groupe décapant et hilarant dont vous pouvez retrouver les vidéos sur YouTube. L’esprit de leurs chansons est proche de celui des chansonniers des années 1950 à 80. il s’agit de prendre un air connu et de le pasticher pour « coller » à l’actualité. Le groupe revendique sa veine satirique et a pour ambition d’être dans l’humour, d’être dans l’ironie, le second degré ou la caricature. Au son du fle est fan de cette joyeuse équipe.
E. Macron s’est fait une spécialité de petites phrases cinglantes ressenties par beaucoup comme des preuves de son mépris et de sa morgue. L’une de plus connues figure à droite (forcément). Avec, en desous, une interprétation des Goguettes sur une autre phrase très connue. Saurez-vous la découvrir?
Mon cher ami
Un vrai plaisir de lire cet article . Vous expliquez très bien ce qui se passe en France avec la reforme des retraités . Je suis tout à fait d’accord avec vous et en plus ces pancartes qui en disent trop .
Félicitations !
Bonjour Ma José, c’est toujours un réel plaisir d’avoir de vos nouvelles. J’ai pris le prétexte de « documents authentiques » pour rédiger ce billet. Je fais partie de cette majorité de personnes éprouvant colère et dégoût envers cet autolâtre qui en six ans a divisé les Français comme jamais.