- L’anthropologie culturelle étudie les valeurs, croyances, traditions, pratiques sociales, comportements communs aux membres d’une société donnée. La culture est partagée et collective. Les facteurs l’influençant concernent tous les aspects de la vie quotidienne: ils sont d’ordre familial, social, politique, éducationnel, religieux, philosophique, économique, technologique, etc. Les codes culturels influencent nos comportements. Ils sont intégrés, infériorisés, incorporés de manière inconsciente.
- Les études interculturelles s’efforcent d’établir les ressemblances ainsi que les différences entre les cultures et explorent les façons d’interagir et de communiquer des individus dans tel ou tel contexte interculturel.
La figure ci-contre explicite notre démarche. La culture est commune aux membres d’une communauté linguistique donnée qui en partage également la langue. La prononciation, quant à elle, est individuelle.
Culture et langue
Leurs rapports sont bien connus et font l’objet d’une très abondante littérature en fle depuis les années 80. Je vous renvoie également à quelques publications du blog traitant de ce thème.
la carte heuristique ci-dessous reprend les principaux arguments développés quand il est question des rapports qu’entretiennent la culture et la langue. En fait, ces deux concepts sont étroitement liés, l’un ne va pas sans l’autre (et réciproquement).
Culture et prononciation
La relation entre culture et prononciation peut ne pas paraitre évidente de prime abord. Mais elle s’éclaire avec cette définition de la culture proposée par Jean Servier dans son ouvrage l’ethnologie paru aux PUF en 1986:
la culture peut être considérée comme la résultante de tous les stimuli que reçoit l’individu de l’extérieur et de l’intérieur
Servier, 1986, 3
L’intérêt de cette définition est de sortir des sentiers battus de l’anthropologie culturelle et de nous ramener aux sources en soulignant que nos perceptions sont modelées par la culture. C’est elle qui organise nos représentations et notre façon d’interagir avec notre environnement. C’est notamment le cas avec notre/nos langue(s).
Le cerveau humain est universel. Tout individu est doté des mêmes possibilités au départ. Dès la naissance, le nourrisson est immergé dans un véritable bain audio-phonatoire. Pendant quelques mois, il peut théoriquement produire n’importe quel son de n’importe quelle langue. Mais, très rapidement, il sélectionne ceux qui induisent un effet positif chez son entourage. Car percevoir, c’est éliminer. A 12 mois, voyez ce dont le bébé est capable.
Ainsi, chaque langue dispose de son propre territoire sonore. A chaque fois singulier. Au sein d’une même communauté linguistique, les individus perçoivent et catégorisent les sons à peu près de la même façon. C’est culturel. Mais l’omniprésente variation est toujours là. D’où les accents régionaux et sociaux. Or, un « accent » présente des indices permettant de classifier immédiatement un individu: Untel vient de telle région ou appartient à tel groupe socio-culturel. Voilà qui complexifie notoirement la tâche du prof de fle qui ne sait plus à quelle norme se vouer. D’autant plus que, si l’on tient compte de la variation idiosyncrasique (propre à chaque individu), il y avait en 2022, sur 112 pays et territoires, 321 millions de locuteurs francophones dont 255 millions en font un usage quotidien. Dit autrement, 321 millions de normes possibles… Vertigineux, n’est-il pas?
Le fle valorise l’enseignement de la prononciation car ceci permet
d’améliorer la communication
- la compréhension est facilitée;
- certains malentendus peuvent être évités;
- l’apprenant est valorisé et s’investit davantage dans l’étude de la langue.
de faciliter l’intégration sociale - en élargissant le cercle de ses connaissances;
- en ayant un accent passe-partout (le meilleur!) dans le milieu professionnel
Oui, mais, c’est compter sans les préjugés et stéréotypes en matière d’accent et de prononciation.
De quelques préjugés culturels se rapportant à la prononciation - et plus largement à la Vocalité
- Les stéréotypes négatifs associés à la prononciation de quelqu’un qui parle le français avec un accent étranger peuvent varier en fonction des préjugés culturels et des perceptions individuelles. Voyons quelques connotations culturelles que je me contenterai de mentionner, chacun se livrera à son propre inventaire.La liste est loin d’être exhaustive.
- on « crie » dans certaines langues pour lesquelles l’intensité de la voix est sensiblement plus élevée qu’en français, d’où une impression de gêne;
- des langues présentant beaucoup de sons produits vers l’arrière de la cavité buccale (gutturaux, vélaires, etc.) sont considérées par certains comme agressives;
- des personnes en provenance de certaines régions du monde sont perçues de façon négative dès qu’elles ouvrent la bouche, leur accent pouvant déclencher une réaction d’hostilité. Qu’on se rappelle cette formule d’Evelyne Charmeux qui écrivait que l’accent étranger pouvait était de nature à provoquer une « écoute anti-autre »;
- des personnes ayant un accent étranger peuvent avoir des difficultés à trouver un travail, leur prononciation étant considérée comme un obstacles pour communiquer avec les natifs.
Sans oublier les personnes hostiles à l'enseignement de la prononciation
En fle, on trouve des profs et des didacticiens qui qui voient l’enseignement de la prononciation d »un mauvais œil.
- Le plus important, c’est d’enseigner la communication;
- Inutile de se focaliser excessivement sur la prononciation. Tant qu’une personne se fait comprendre, c’est çà l’essentiel, même si elle a une mauvaise prononciation, cela reste secondaire;
- un adolescent ou un adulte n’arrivera jamais à produire certains sons en L2, inutile de le torturer et de lui faire perdre son temps par des séances de phonétique corrective ne donnant le plus souvent aucun résultat satisfaisant;
- que faut-il enseigner en fle? Une norme dite de prestige? Ou se cantonner à l’accent régional caractéristique de la zone géographique où résident l’apprenant et/ou le prof?
- Casser les pieds à un élève en s’efforçant de lui faire perdre son accent caractéristique quand il s’exprime en L2, n’est ce pas attenter à son identité?
- L’accent peut être charmant. Ce que certaines vedettes du monde du spectacle ont bien compris, qui « conservent » leur accent d’origine car conscientes de son pouvoir de séduction.
Améliorer la prononciation grâce à l'IA (?)
Les applis vocales basées sur l’IA déboulent dans le marché des langues. Je n’ai absolument pas exploré cette piste jusqu’à présent. Mais j’ai repéré la compagnie canadienne fluent qui donne des cours de prononciation par l’IA et sensibilise aux accents régionaux…
Un autre monde se profile.
MàJ du 02/11/2023
Une autre publication consacrée aux rapports entre prononciation et culture a été mise en ligne. Elle se présente sous la forme d’un diaporama suivi d »une vidéo. Elle est à consulter ici