José Sobrecases, de sa plume altière et virevoltante, nous offre le dernier volet d’une réflexion authentiquement profonde et brillante sur les rapports qu’un acteur de métier peut établir entre le théâtre, la didactique du fle et la verbo-tonale. Une approche originale et mûrement réfléchie, un angle d’attaque inédit, de nouvelles voies proposées aux professeurs et méthodologues de langues vivantes.
Auteur invité du Blog
Travail de Bérénice.
1. Quelle serait donc une pratique de ce théâtre affectif censé proposer à l’apprenant d’une LE un itinéraire proche de celui que fait l’enfant lors de son apprentissage de sa langue maternelle ?
Nous avons décrit ce théâtre affectif comme constitué d’une scène sonore sur laquelle une situation dramatique – entendue comme une tension de l’ordre de l’empêchement (sans tension, pas d’émotion dramatique1 – permettrait à l’apprenant de donner libre cours à ses affects, et lui donnant l’occasion – lors d’une double boucle de perception et de production des émotions décrite par Damasio (1995, 1999), « une au sein du corps et une de simulation par le cerveau » – d’acquérir un faire corporel et un savoir corporel (que la gestuelle baroque du début du XVIIème avait posés comme principe et très précisément codifiés) mais aussi et surtout reproductibles, et donc susceptibles d’un ancrage fort – c’est à dire désormais savoir-faire donc (ou mieux ici un savoir-dire !…) puisque dès lors, il ne serait plus nécessaire que la situation à l’origine de l’émotion soit réelle, actuelle (ce que les Jésuites avaient inventé dans leurs exercices spirituels).
La question qui se pose ici maintenant consiste à définir et préciser comment fonder une pratique, une mise en œuvre effective du théâtre affectif. Insistons : cette scène – sur laquelle nous voudrions inscrire les procédés de correction phonétique – il est nécessaire de la comprendre dans sa double composition de scène sonore et de situation dramatique. Mais il faut bien dire que cette architecture bifide n’est pas uniquement le résultat d’une juxtaposition, ou d’une addition. Le processus est bien plus complexe ; cependant pour des motifs de clarté d’exposition, et du cadre de cet article, nous en ferons une approche séparée.
2. La scène sonore d’abord : lieu de l’interaction affective, instance où elle se réalise de manière optimale, elle a été explorée/décrite/travaillée par de nombreux didacticiens et pédagogues d’un côté, dramaturges et poètes de l’autre. Mais c’est le genre de questionnement à double, voire triple fond, qui renvoie souvent à un grand pan d’informulé – au premier rang duquel on trouve la question de l’accès au sens et en arrière-plan celle (encore … !) du corps du sujet.
Explicitons-le autrement avec Lacan (certes dans l’optique que c’est l’inconscient qui parle dans la langue et que l’inconscient est structuré comme un langage) : « Dans l’apprentissage d’une langue étrangère c’est le signifiant sonore, particulièrement détaché, articulé et audible, qui en permet l’accès » 2. Enregistrons la même vision chez Louis Jouvet (nous y reviendrons) dans ses conseils aux jeunes acteurs, qui doivent « résonner« , comme des instruments de musique, sans sens préétabli mais en construction « dans le mouvement même de l’archet. » 3 « une table d’harmonie » dit-il plus loin.
Les verbo-tonalistes, Intravaia entre autres, ont souligné que l’accès prématuré au sens d’une part et l’excès d’analyse sémantique d’une part entraînent une « démarche intellectualisante qui nuit à l’intégration naturelle du matériel phonique et à la spontanéité d’expression« , « (entravant) souvent la mémorisation dans la mesure où la déstructuration des énoncés s’effectue au détriment de tous ces jalons de démarcation représentés par les accents de hauteur, de durée, d’intensité, etc. qui constituent des points d’ancrage de la mémoire auditive« 4 (même s’il convient de ne pas sous-estimer les frustrations d’un accès trop tardif ou trop « sonore » au sens).
Si nous examinons cette question dans son rapport avec la place du théâtre et des techniques artistiques dans l’enseignement d’une langue étrangère, et si nous nous situons dans une optique verbo-tonaliste, le sens est une construction globale, c’est-à-dire une rencontre entre « des variations phonostylistiques du signifiant (et) des éléments mimo-gestuels« , et c’est ainsi que le message acquiert « sa valeur expressive, c’est-à-dire sa valeur psychologique exacte« 5. Composantes qu’il convient de « reconnaître et reproduire » et qui « permettront (de) commencer à appréhender et intégrer la signification dans sa totalité affective« .
Ainsi au débat aride du « pour » et du « contre » se substitue un dépassement vers cet accès plurimodal : « Rythme, intonation et mimogestualité constituent la voie royale d’accès au sens » 6. Et dès lors les verbo-tonalistes disposent d’un appareillage théorique et pratique pour ménager cette « voie royale » :
S’il est vrai qu’une focalisation exclusive sur le sens gêne l’accès à la compétence audio-phonatoire, en revanche, la construction du sens est grandement facilitée par un déblocage préalable de l’oreille, une imprégnation globale aux composantes segmentale, suprasegmentale, kinésique de la langue étrangère, à toute l’affectivité phonostylistique et mimo-posturo-faciale dans laquelle le message sonore se fond 7.
Beaucoup de travaux ont été menés pour entreprendre ce « déconditionnement neurophysiologique perceptif (entraînant ainsi un déconditionnement neurophysiologique productif) à la langue maternelle« . Citons Guberina avec son appareil destiné un premier temps aux déficients auditifs, le Suvag-Lingua; ou le dispositif Intolangue – Alliaume 1989 – permettant d’adresser à l’Hémisphère droit, spécialisé dans la gestion des modalités non verbales, « un message dépouillé de son contenu linguistique et réduit à sa dimension prosodique, c’est-à-dire de lui adresser la dimension affective du discours » 8.
3. Tentons ici, pour aller plus loin, de décrire, sur cette scène sonore, un chemin d’apprentissage fondé sur le sens affectif : c’est à dire comment, dans cette construction du sens – co-construction serait-il plus exact de dire, l’affectif joue un grand rôle primordial, ce « dire expressif qui met en jeu le sujet sensible dans sa parole et dans son corps » 9.
Cette expressivité affective implique la construction d’un « sens possible pour soi-même« , dans la « conquête des moyens langagiers et culturels« , permettant de l’interpréter et le transmettre.
Pour Pierra, hypothèse forte, c’est précisément par la langue étrangère, parce qu’elle est neuve et contient tous les possibles, que s’ouvre ce chemin ; et elle rapporte la belle réflexion de Peter Brook à propos de la distribution « internationale » des acteurs de ses spectacles: La plupart du temps, nos acteurs ne sont pas nécessairement de langue française, et quand ils travaillent tous ensemble en français, ou quand les mêmes travaillent en anglais, on voit que ce qu’on perd parce qu’une langue n’est pas enracinée en vous permet une fraîcheur en échange, parce quʼon a la capacité d’être plus simple et plus pur avec des mots, sans cette familiarité qui confère à chacun dʼeux un excès de souvenirs et dʼassociations. 10 Et c’est sur ce chemin de fraîcheur baigné d’émotions et d’affectivité que l’apprenant va pouvoir faire vivre ce qui est contenu derrière les mots. : Il faut distinguer le vouloir dire (intentionnel donc) qui bannit le corps et aliène la voix à son service, du Par le jeu des énonciations et la qualité musicale (prosodique et phonétique) du langage en langue étrangère, est évidemment recherchée cette qualité plastique et rythmique de la parole qui situe le sujet hors de tout vouloir dire pour pouvoir dire autrement, c’est-à-dire sensoriellement, en se faisant signe pour un sens possible qui est à élaborer par l’autre. 11.
C’est ainsi, nous semble-t-il, qu’il faut comprendre ce qu’Artaud voyait en proposant plutôt de revenir aux sources » de cette « langue sous arbre« , ce qui est (…) non pas une méthode, mais plutôt une voie, « un chemin de création » pour une pratique vivante et subjective d’une parole spontanée […]. Ce cheminement passe par un processus de re-création […] parce que la parole s’est ossifiée, que les mots que tous les mots sont gelés, sont engoncés dans leur signification, dans une terminologie schématique et restreinte 12.
Oui, ce sont peut-être les poètes et les dramaturges, parlant pour notre désir de mots, qui ont le mieux dit ce chemin des sens pour ménager un accès à la langue, sens nourris de musique, rythmes, irisations de la matérialité des mots d’une langue :
Paul Valéry ne dit pas autre chose avec ses mots de poète
Eprouvez à loisir, écoutez jusqu’aux harmoniques les timbres de Racine, les nuances, les reflets réciproques de ses voyelles, les actes nets et purs, les liens souples de ses consonnes et de leurs ajustements. Et donc, et surtout, ne vous hâtez point d’accéder au sens. Approchez-vous de lui sans force et comme insensiblement. Défendez-vous longtemps de souligner des mots. Il n’y a pas encore des mots, il n’y a que des syllabes et des rythmes 13.
Et Valère Novarina, grand arpenteur des landes du langage, élargit encore le paysage :
Ce n’est pas seulement la syntaxe qui tient une langue, qui en constitue l’ossature, mais aussi la netteté, la force, la variété, l’arc-en-ciel de ses phonèmes… Le déclin d’une langue, l’effondrement de son architecture, ses premiers trous de mémoire, commencent par l’affaissement de sa charpente tonale, l’érosion de ses consonnes, l’aplatissement de ses voyelles, l’anémie, l’amenuisement de son spectre sonore – la perte de toutes ses couleurs 14.
Ici donc point de norme prédéfinie mais accès inaugural à la matière de la langue dans un principe de plaisir.
4. C’est cette scène sonore qui, à notre sens, va permettre la mise en voix de l’affectif, « en dessous du seuil de conscience de l’hémisphère gauche » 15: nous désignons par là cette extension du domaine du sonore, ces évasions hors du sens et qui cherchent à interrompre le lien saussurien entre le sens et son signal sonore.
Le langage dramatique a dans son « portefeuille linguistique » toute l’étendue de la gamme des fonctions du langage comme l’a démonté Dell Hymes 16, en particulier cette fonction esthétique ou fonction poétique dont parle Jakobson qui la fonde sur le principe de plaisir, plaisir de dire les mots 17. En effet, les propos et activités pédagogiques décrites par Massia Kaneman Pougatch et Elisabeth Pedoya Guimbretière 18 énoncent le plaisir d’entendre la mélodie de la langue étrangère, d’en aborder et ressentir les différences d’avec son propre système linguistique – quelquefois même la fraicheur, mais aussi les similitudes qui lui donnent à voir le commun humain avec sa propre langue (proverbes … ).
Et cette dimension-là peut aussi déclencher l’intervention pédagogique. Considérons par exemple les procédés logatomiques : ils sont souvent utilisés comme une sorte d’éveil au printemps de la langue de la part de l’apprenant, une espèce de scansion du parcours d’approche et d’appropriation de la langue par des exercices réguliers d’improvisation libres en utilisant la voix d’une façon nouvelle (le dadada, le mumming et la voix logatomique). En racontant par exemple une histoire sans faire appel au sens véritable des mots du français mais en utilisant la prosodie du français (sonorités, intonations, musicalité), « vocalises hors-sens » qui peuvent « aider l’élève à se repérer dans le monde prosodique de la langue étudiée » 19.
A cette situation hors-sens, hors-sol (un simple jeu …), le gromelot propose une alternative : parce qu’il repose sur une intention communicative, une transmission de sens, qu’il suppose comme condition nécessaire la présence d’un désir d’harmonie et de bienveillance, le gromelot et les déclinaisons d’exercices et improvisations tels que décrits plus haut peuvent trouver place sur cette scène sonore ; il consiste à allier des sons et syllabes les unes à la suite des autres – l’ensemble ainsi créé n’étant compréhensible que par l’articulation et la gesticulation qui l’accompagnent. Cette langue artificielle, qui éventuellement fait appel à des mots d’une langue particulière, comprend surtout des mots inventés qui ressemblent vaguement à ceux d’une langue véritable, avec des onomatopées et divers bruitages réalisés avec la bouche – et où le sens des énoncés comme tel demeure incompréhensible ou incohérent, mais où le sens se construit dans le contexte de l’improvisation, l’intonation et le langage corporel. Langage artistique, art – au sens de façon de faire – d’adresse et de sommation, convocation permanente à l’insurrection et à la générosité 20, expérience très étrange du face à face (corps à corps ?…) avec cette langue à usage unique dans sa singularité, constamment renouvelée dans l’instant de son utilisation, se construisant dans ce rapport immédiat entre le locuteur et son interlocuteur, compréhensible – musique devenue ! – au seul moment de sa réalisation. Où le décalage fait reposer la construction du sens sur l’unique aspect sensoriel et devient vision du monde, et, à force d’innocence (in / non / sens … ), éblouissement poétique de plaisir et d’intelligence 21.
Et nous pourrions faire ici l’hypothèse que sur cette scène sonore, l’utilisation et la compréhension de cette « langue » inventée tient à cette espèce d’invitation au rendez-vous du plaisir d’enfance; que cette relation sonore jubilatoire à l’autre suppose de retrouver la voix de la mère – la Voix-mère ! 22, langue inconnue dont la compréhension tient à l’intrication des éléments qui la fondent : l’oral, le corps, l’accord.
Pourrait-on de même – et de plus – imaginer que sur cette scène, chacun/e – chaque nationalité – improvise dans sa propre langue ou dans la langue d’un autre, un récit : anglais britannique, anglais nord-américain, chinois / cantonnais, allemand, italien … Gageons que ces exercices pourraient éveiller à la conscience que l’entrée en rapport avec autrui se fait par le corps et l’intention (le besoin de communiquer !), et que l’entrée dans une langue se fait par la prosodie de cette langue. Par les rythmes et les accidents de rythme. Et que ces accidents disent immanquablement la jubilation du parcours vers l’Autre et de la découverte.
5. Mais nous voudrions aussi insister sur la richesse didactique et pédagogique des réflexions développées par Régine Llorca.
En proposant de retrouver une « oreille innocente », Régine Llorca souligne combien il est important de « rendre à l’image sonore tout son potentiel évocateur » 23 et donc de travailler sur la forme sonore et seulement sur elle, c’est-à-dire de faire en sorte que s’imprime la musique de la langue, les mouvements mélodiques, les liens et enchaînements phonémiques tels qu’ils ont été produits par le locuteur dans la situation donnée. Ainsi, « pour compenser l’impossibilité d’anticiper la production sonore par manque de compétences linguistiques suffisantes« , un entraînement est nécessaire pour que l’apprenant possède le maximum d’informations acoustiques (par confrontation par exemple à des échantillons sonores aussi variés que possible) mais également qu’il puisse « revenir en arrière, (et) effectuer un décodage régressif ou rétroactif » 24. D’où le rôle de la mémoire sensorielle (plutôt qu’une réflexion d’ordre cognitif ou théorique).
Alors, face aux variations de l’oral, face aux multiples contextes et situations d’emploi, cette mémoire d’ordre sensorielle sera d’autant plus performante pour l’appropriation des faits prosodiques d’une langue que sera travaillée « l’oreille innocente », celle qui n’enregistrera que la substance sonore:
Il s’agit d’entendre les productions dans leur unicité sonore, sans conditionner l’écoute par des connaissances antérieures sur la langue ou par ce qu’on croit pouvoir deviner d’après les éléments déjà compris 25.
Avec le concept d‘image sonore se justifie l’appropriation par l’apprenant de la dimension prosodique de la langue avant même tout passage par la sémantisation. Cependant, si, chez Intravaia, la stimulation de l’appropriation des acquis « par le recours à la mémoire corporelle et musicale » (dans le but de « compenser l’incapacité à procéder à la construction du sens par anticipation » 26) ne semble constituer qu’une étape consécutive à phase de correction phonétique/mémorisation (qui fait elle-même suite à l’exploration audio-phonatoire et sémantique de la situation dialoguée !…), les travaux et expériences de Régine Llorca 27 mettent l’accent sur un processus plus global visant à faire « entendre les productions dans leur unicité sonore, sans conditionner l’écoute par des connaissances antérieures sur la langue ou par ce qu’on croit pouvoir deviner d’après les éléments déjà compris » 28.
Il s’agit chez Llorca de proposer une mémorisation, image sonore qui « réunit, dans un même souvenir, l’ensemble constitué par l’image sonore et l’unité morpho-syntaxique » 29. C’est donc un travail sur la seule forme sonore, « de telle sorte que s’imprime la musique de la langue, les mouvements mélodiques, les liens et enchaînements phonémiques tels qu’ils ont été produits par le locuteur dans la situation donnée » 30. On trouvera la liste des courtes et excellentes séquences en forme de supports pédagogiques audiovisuels dans Le franc-parler 31.
Les prolongements didactiques et pédagogiques sont particulièrement riches si l’on considère deux séquences caractéristiques de l’Art de Régine Llorca. La première est le sketch Cuite ou pas cuite 32, dans lequel elle décrit avec beaucoup d’humour comment on pourrait se passer de mots pour commander une baguette à la boulangerie – et sans même entrer dans la boulangerie, depuis le trottoir d’en face !…- simplement en réduisant la phrase « La baguette, vous la voulez cuite ou pas cuite ? » »d’abord dans un premier temps à ses mots-clefs (cuite, sons tendus et aigus / pas cuite, sons à tension relachée), puis dans un second temps les mots sont réduits à leurs moules intonatifs ( d’abord montant puis descendant pour son contraire) et enfin, dernière réduction au le seul mouvement du corps et des bras dessinant les courbes mélodiques de l’intonation. Nous avons ici un exemple très parlant de son comme mise en scène du sens.
La seconde séquence, très drôle également 33 nous fait apparaître le sens comme mise en corps du son c’est-à-dire qu’une même séquence linguistique non seulement peut prendre divers sens selon l’intonation, mais également que ces divers intonations peuvent passer par le corps seul, même en présence d’un signal sonore équivoque.
Si les prolongements pédagogiques de cette image sonore semblent s’adresser à de prime abord à un auditeur (de façon à ce qu’il élabore un souvenir visuel et sonore du moule intonatif de l’expression reçue), cette façon d’impliquer le corps et l’affect nous semble pouvoir constituer un exemple de principe et d’exercice(s) applicables sur cette scène sonore que avons évoquée.
6. Mais ces séquences disent aussi quelque chose d’un au-delà de la scène sonore : c’est la nécessité d’une situation dramatique – caractérisée par exemple dans les séquences de Llorca par l’organisation de la rencontre entre un espace, un/des personnages et une tension.
Il faut insister parce que c’est ici semble-t-il que pourrait se situer l’apport de ce théâtre affectif que nous tendons de définir et de décrire : cette tension repose sur le corps affecté par une tension, et c’est cette tension qui est génératrice d’émotion, elle-même, nous l’avons vu, moteur d’un d’apprentissage linguistique.
C’est encore cette tension dramatique qui va mettre le corps en jeu/je, et rendre ainsi compte de manière scénique non seulement des valeurs de la langue mais de l’ensemble des moyens de communication : la scène artistique devient scène didactique. Et il en résulte, entre autres conséquences, que la parole physique de l’apprenant, dans ce parcours, dans cet athanor de bouillonnements situationnels, va se mettre en scène et s’éprouver (au sens dynamique et vectorisé de mise à l’épreuve) dans sa fonction de communication. Cela revient à dire que dans ces conditions, l’apprenant est toujours l’acteur ( !) de son acquisition; comme l’enfant, il en est le créateur, et l’on peut alors sans forcer les mots parler d’ART !… Lieu de travail (pour reprendre une métaphore de Bachelard), c’est à dire lieu d’activité produisant un résultat mais également processus d’accouchement.
7. Beaucoup de théoriciens, dramaturges et metteurs en scène contemporains ont compris et décrit cette démarche. Parmi les praticiens, nous voudrions ici évoquer les leçons de Louis Jouvet, et rappelant tout ce que le théâtre contemporain lui doit (comprenons : beaucoup … ), en extraire quelques desseins qui viendront nourrir nos propositions 34. Sans entrer dans un descriptif trop savant des indications de l’acteur/théoricien (fruit d’années de travail et de réflexion), et nous limitant aux aspects techniques, pratiques, ces leçons peuvent nous permettre d’envisager concrètement le fonctionnement de ce théâtre affectif.
Le point cardinal des réflexions de Jouvet – et qui peut nous intéresser ici du point de vue de la DLE – et qu’il répète jusqu’à l’obsession, c’est celui-ci :Il ne s’agit pas d’interprétation psychologique, autrement dit de « comprendre », mais de sentir, d’éprouver par des moyens d’abord physiques. Il n’y a pas de compréhension par explication, mais par pénétration intime et cela commence par le corps.
Et cette appropriation physique de la scène (à la fois espace de jeu et morceau de pièce) se fait à la fois par le corps et la marche (l’entrée sur la scène) et par la respiration (l’entrée dans le texte).
Nous avons souligné le rôle moteur du sentiment (l’émotion) dans le processus d’apprentissage ; Jouvet y insiste également : cette entrée nette et rapide est conditionnée par le sentiment, préalable indispensable ; le corps éprouve puis il agit (« Moi, je pars du physique pour arriver à la conception ») transformant la scène en « une succession de sentiments » :
Ainsi tout part de l’énergie première du corps : « Quand tu as une certaine sensation, cela te donne un certain sentiment », et plus loin : « Si tu n’as pas le sentiment dans le corps, tu ne l’auras pas dans la bouche non plus ».
Mais comment éprouver ces sensations ? Réponse : bannir toute psychologie, ne pas raisonner sur le texte, mais le laisser résonner (cf. la scène sonore). Et Jouvet, suivant en cela des maîtres anciens (Larive, avec son Traité de la Déclamation, 1804), incite l’acteur à utiliser sa voix comme médium, en la faisant varier selon les inflexions du rôle (c’est à dire les blocs de sens). D’autres acteurs ont tiré de leur expérience/formation des « trucs », des astuces qui permettant à l’acteur d’aller vers la sensation physique sans raisonner le texte, comme François Cluzet par exemple : Je tiens de Jean-Laurent Cochet un exercice essentiel: « marcher » le texte, c’est-à-dire en prononcer toutes les syllabes en avançant, reculant et changeant tout le temps de mouvement. Le texte que j’ai d’abord lu et relu, voire recopié, devient évidemment incompréhensible, mais chaque membre du corps s’en est emparé: il s’est fondu en vous 35.
Pour d’autres, comme Jean-Pierre Léaud : Je répète jusqu’à saturation complète du sens, jusqu’à ce qu’on n’y comprenne plus rien et, tout à coup, il y a une sorte d’aimant interne qui vient de ma mère et je sens comment je dois retrouver le texte. C’est-à-dire du signifié au signifiant ! Jusqu’au morphème ! Jusqu’au phonème ! Je vais tout décortiquer jusqu’à l’incompréhensible complet ! De manière à ce que ça entre… Et je retrouve sur le plateau le naturel et l’invention… 36.
Mais ce corps éprouvant, comment entre-t-il techniquement en scène ? Concentration et détente sont nécessaires, « si tu veux obtenir cette nécessité de parler, ce besoin de t’exprimer par les phrases d’un texte ». Oui, recentrement sur soi-même :
Tu comprends, ce qui est important, c’est la préparation à l’entrée en scène, […] le personnage qui va parler dans un état physique déterminé. Cet état physique, il faut que tu l’aies en toi. Tant que tu ne l’auras pas, ce n’est pas la peine de commencer la scène
Oui mais encore ? Comment ce corps, préparé grâce à un état de concentration adéquat, va-t-il accéder à la sensation physique ? Deux notions capitales ici : la marche et la respiration. Au théâtre, la marche est n’est pas imitation (du personnage), elle est à la matrice de la sensation physique qui va faire émerger le sentiment. Jouvet insiste sur le fait que l’acteur doit trouver la marche juste, signe de l’appréhension physique de la situation. Cette marche, c’est un mouvement vers, signe corporel avant que d’être verbal, d’où naîtra le besoin/pouvoir de dire des mots.
Et pour entrer dans le texte, même impératif de trouver la respiration juste :
Quelquefois, on travaille un rôle en essayant de « respirer » les phrases, et, en « respirant » les phrases, le sentiment finit par vous atteindre. – C’est comme lorsqu’on apprend à nager. Quand on est parvenu à accorder sa respiration avec ses mouvements physiques, on a trouvé le rythme de la nage les rapports des mots, de la respiration et du sentiment (…) Considère d’abord la longueur, l’amplitude de la phrase ; trouve sur cette amplitude la diction et la respiration … La phrase contient tout, la respiration, le sentiment.»
Les textes des tragédies classiques, dit Jouvet, ont cette qualité mécanique selon laquelle « ils contiennent leur propre respiration et leur propre sentiment », ce qui autorise de dire simplement les vers et d’être ainsi pénétré par le sentiment ; et dès lors permet une entrée en scène détachée de toute intention, en accord avec les paroles prononcées. Et pour l’acteur qui entre en scène, c’est ce travail sur le rythme, cette respiration juste qui entraînent l’impérieuse nécessité de dire (le texte), (…) la nécessité de parler ; tant que tu ne sentiras pas en toi la nécessité de dire ce que tu as à dire…Oublie si tu veux le sentiment dramatique, oublie l’humeur, mais retiens ça : il faut que, quand tu es en coulisse, et que tu rentres, tu aies besoin de dire ce que tu as à dire et qui donnent tout à coup cette impression d’entendre des mots « vers lesquels on (tend) l’oreille et le cœur, (…) l’expression sonore d’un vers, (…) encombrée de rien d’autre, (et) teintée d’une inflexion qui correspond au sens du vers … » 37. Voilà bien l’affectif au poste de commandement !
8. Ces très précieuses leçons de théâtre de Louis Jouvet ont été reprises par des praticiens et poètes plus contemporains.
Claude Régy, par exemple, un des metteurs en scène les plus mystérieux et fascinant de ce dernières années, montre, à propos de sa rencontre avec l’acteur Marcial di Fonzo Bos 38, combien son travail de metteur en scène a consisté à « écouter les vibrations de la voix (qui) lui ont fait comprendre, en le voyant et en le sentant, que la voix était du corps » : « Cet acteur, en l’entendant parler, on voyait toutes les vibrations et tout le mouvement de l’immobilité » 39. Après avoir décrit très précisément le travail qui a permis que le « mouvement de la main » fut « en accompagnement du souffle, et complètement relié à la parole » 40, Régy insiste sur l’harmonie nécessaire qui permette alors d’« entendre une parole d’avant la parole » et de voir que tout le corps est impliqué dans « la délivrance de la parole ».
Ce qui fait qu’on ne sait pas du tout d’où vient la voix, et où elle se prolonge, extérieurement et intérieurement, et comment elle traverse les autres, comment elle les rejoint, comment elle les pénètre. […] Parce que les corps sur le plateau sont tenus, maintenus et agis par la parole, c’est vraiment la vibration de la parole qui fait cette transmission pratiquement universelle et qui en même temps est un rapport tout à fait particulier, d’amour, intime, de soi à l’autre.
Novarina de son côté :
Les points, dans les vieux manuscrits arabes, sont marquée par des soleils respiratoires… Respirez, poumonez ! Poumoner, ça veut pas dire déplacer de l’air, gueuler, se gonfler, mais au contraire avoir une véritable économie respiratoire (…) Beaucoup du texte doit être lancé d’un souffle, sans reprendre son souffle, en l’usant tout (…) C’est comme ça qu’on trouve le rythme, les différentes respirations, en se lançant en chute libre. Pas tout couper, tout découper en tranches intelligentes, en tranches intelligibles – comme le veut la diction habituelle française d’aujourd’hui où le travail de l’acteur consiste à découper son texte en salami, à souligner certains mots, les charger d’intentions, à refaire en somme l’exercice de segmentation de la parole qu’on apprend à l’école : phrase découpée en sujet-verbe-complément d’objet, le jeu consistant à chercher le mot important, à souligner un membre de phrase, pour bien montrer qu’on est un bon élève intelligent – alors que, alors que, alors que, la parole forme plutôt quelque chose comme un tube d’air, une colonne à échappée irrégulière, à spasmes, à vanne, à flots coupés, à fuite, à pression.
Régy et Novarina, et bien d’autres, nous parlent de ce que Mathieu Mével nomme si bien « Le singulier pluriel » 41: Se défaire du souci de la communication, quitter toute intention ou ce que la psychologie appelle le moi, ce qui ouvre les sens de l’autre ;(…) Ouvrir les sens (…) dans ces zones d’entrelacements partagés (où) la création du monde (en communauté) s’opère à partir d’une activité des sens de chacun. (…) Etre au monde, c’est être pris dans le sens avant toute signification.
Donner sens, c’est recommencer à habiter l’ouverture toujours plus radicale du réel : et c’est à cet endroit que peut surgir du désir – non pas pour rapprocher deux singularités, ni pour les fondre en une seule source, encore moins pour remplir l’espace qui les sépare, mais simplement et littéralement, pour vouloir et aimer leur différence (…) Le sens relie, mais ce qui se relie, c’est un interstice ouvert, un lieu inédit mais présent et cependant qui est plus que le strict présent. Le sens est une extase au présent. Donner sens, c’est connecter des forces : faire l’expérience et penser les forces qui surgissent depuis l’interstice entre deux singularités
Co-construction du sens que d’ailleurs Jouvet avait lui aussi prônée à sa manière drue et directe : Dire, c’est d’abord se faire entendre, ensuite s’entendre et laisser aux autres le soin de comprendre à leur gré, ne pas les prendre pour des imbécile.
Et le lieu de cette irruption de l’Autre, du désir de l’Autre, c’est le corps : Le corps de l’acteur est une collection de pièces et de fonctions (…) Il a son intégrité mais il n’est pas fixe, il travaille en continu. Il est un lieu à « haute tension ».(…) Le corps est une bataille 42.
Dans notre optique, nous remplacerions (nous verrons plus loin les conditions matérielles de ce transfert) le mot acteur par apprenant que l’économie générale du processus n’en serait pas, à notre sens, modifiée. Cependant, un autre obstacle peut ici surgir : la relation culturelle au corps. La scène affective, en mettant en avant tout le corps de l’apprenant, peut provoquer l’apparition d’éventuels blocages kinésiques et proxémiques. Tous les enseignants y sont confrontés, et ceux dont la sphère de compétence touche à la sollicitation du corps et de l’affectivité plus encore que les autres.
Apprendre une langue, c’est entamer une longue protestation contre le corps de l’apprenant : tous les « filtres », les usages cultures … Dans chaque apprenant, il y a ce qui veut parler et qui ne peut pas encore s’inscrire dans un corps nouveau. Apprendre une langue, c’est faire l’expérience d’« une autre économie du corps qui s’avance » 43.
C’est assurément ici l’une des difficultés de mise en action de cette scène affective que nous décrivons depuis quelques paragraphes. Peut-être faut-il alléguer le caractère fictionnel d’une part, les analogies, d’autre part, qui peuvent être développées avec des formes artistiques sollicitant également l’énergie du corps et les « signaux corporels » (nous pensons au Nô, au Kabuki ou Kathakali pour les arts d’Extrême-Orient, les postures et gestuelles marionétiques qui pourraient être évoquées, chez certains autres, par la marionnette typique de Turquie ou Grèce, Karagheuz) : ces visions élargies peuvent appréhender / contourner l’obstacle.
Une certitude tout de même pour nous : il ne serait pas envisageable d’éliminer, pour motif de pudeur, tous ces exercices et activités liés au corps. Nous sommes d’avis au contraire que c’est par l’approfondissement et l’appropriation progressive, par paliers, par étapes, de l’image corporelle expressive, que deviendra possible « l’exploration des émotions, la dynamique de groupe, autrement dit toute la préparation de l’acteur avant de prendre la parole sur scène » 44. Et nous nous approprions volontiers les mots de Peter Brook, grand explorateur du théâtre contemporain avec ses distributions multilingues :
Ce qui bloque le plus de monde aujourd’hui, c’est la parole. Il ne faut donc pas commencer avec la parole, avec les idées, mais avec le corps. Le corps libre est un premier pas 45.
9. Scène théâtrale / scène affective didactique : dans les superpositions que nous tentons de mettre en place, quelques points restent encore à éclaircir : la description de l’espace didactique, la posture de l’enseignant et la question de la représentation.
A propos de l’aménagement de l’espace didactique, beaucoup de recherches ont été menées et d’expériences décrites. La relation qu’en fait P. Intravaia dans la « Classe-choc » 46 est suffisamment éclairante pour que nous n’ayons pas besoin de revenir sur ce point.
Considérons cependant qu’il est question ici de techniques artistiques, et que toutes les observations, considérations et recommandations qui ont pu être proposées par les didacticiens et les pédagogues doivent être mesurées à cette aune : l’espace didactique doit devenir – ou s’approcher le plus possible de – un espace théâtral, avec une aire de déplacement et d’expression permettant des trajets (des mouvements vers), aussi bien des voix (parler de loin, de près) que des corps (courir par exemple), des possibilités de mise en travail des corps (relaxation, échauffements) comme des appareils phonatoires (assouplissement vocal, improvisations et vocalises …).
Et c’est Peter Brook 47 dans L’espace vide qui souligne : Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène. Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé 48.
Il convient de ne pas négliger, dans cette optique d’un fonctionnement artistique de l’espace didactique, ce que Jouvet avait déjà clamé : « Il n’y a pas de texte assis » 49 et que complète l’avertissement de Peter Brook :
De la même manière qu’un acteur ne peut absolument pas étudier un rôle assis- la compréhension commence au moment où le corps entre en action -un élève ne peut apprendre tout ce qu’il reçoit sans que le corps soit engagé 50.
10. La posture de l’enseignant a, quant à elle, été également suffisamment explicitée pour qu’il ne soit pas utile d’y revenir abondamment. Nous souhaiterions seulement, dans cet approfondissement du rôle du corps, souligner ce que certains psychanalystes ont appelé, de la part du pédagogue, « l’écoute avec la troisième oreille », cette oreille sensuelle qui va « entendre » le corps de l’autre, la peau de l’autre :
(Celle qui) en rougissant, en pâlissant, en transpirant, continuerait d’informer l’Autre sur notre univers mental et nos sentiments, ….ces impressions sensorielles sans nom … éléments « secondaires » que sont : les mimiques, les minuscules tensions musculaires ou épidermiques, l’odeur, la chaleur, la rythmicité d’un jeu de posture, la tonalité et le timbre de la voix, la moiteur d’une poignée de main, le maintien, le jeu des regards, des postures ou une manière particulière de respirer 51.
Certes ces signes cliniques sont, chez Reik, à traquer dans l’observation analytique. Mais cette mise en œuvre d’antennes, mais la pertinence de la nécessité d’instaurer l’affectivité comme voix d’accès à la transmission du sens et à la langue trouve dans les travaux de Reik une démonstration en majesté. Et sans conteste, cette troisième oreille modifie l’enseignant : celui-ci doit « aiguiser sa réceptivité, augmenter sa faculté à recevoir » ces signes « presque imperceptibles » 52. Parce qu’elle est la condition de l’éveil du désir de parler chez l’apprenant…
11. La question concernant la possibilité/nécessité – ou non – de la représentation est de celles qui sont débattues depuis que la scène est apparue comme outil didactique. Pour le théâtre des Jésuites, la représentation sous forme de tableaux vivants et spectacles pouvait manifester cette liaison de tous les aspects de la vie spirituelle à la pratique de représentations mentales : « Dans certains collèges, ces jeux étaient organisés en public, le plus souvent à l’intérieur des églises, avant la messe. » 53.
Pour G. Pierra, dans le cadre de l’esthétique théâtrale en langue étrangère 54, comme dans les ateliers organisés par la Cimade 55, la représentation publique est un objectif essentiel parce qu’elle est l’aboutissement du processus d’apprentissage d’un acte de langage : transmettre à l’autre ses émotions – en particulier celles de vivre en soi-même et partager avec les autres une culture et un patrimoine littéraire en langue française, ou bien celles liées au sentiment d’une intégration acceptée.
Pour d’autres pédagogues, ce travail doit se faire sans regard extérieur, sans la pression qu’occasionnent la représentation publique et son organisation (qui occasionne souvent des « déviations d’objectifs » avec une obligation de réussite à l’évaluation très aléatoire). « C’est par le vécu que les enfants apprennent et comprennent » 56. Bertolt Brecht, à propos des Lehrstücke, déclarait : « La pièce didactique enseigne du fait qu’elle est jouée, non du fait qu’elle est vue. » 57. Il n’y a pas dans cette optique d’objectif pédagogique de production théâtrale car il y a de toute façon toujours un public – la présence des autres enfants de la classe, rendant valide la « double énonciation » théâtrale, celle adressée à l’autre qui regarde et celle adressée à l’autre qui participe.
Pour notre part, nous pencherions plutôt vers cette dernière hypothèse, sans faire de la prohibition de la représentation un principe absolu, mais gardant toujours à l’esprit que c’est la finalité artistique qui donne la légitimité à l’utilisation des techniques artistiques en DEL.
Alors, Théâtre ou/et pédagogie ? Question cruciale tant les lois du théâtre doivent autant être prises en considération que les capacités ou talents du pédagogue. Dans l’optique de l’utilisation de la dramatisation, Intravaia préconise pour l’enseignant une « sensibilisation aux techniques d’expression et de communication non verbales et verbales (…) qui ne (relève) plus d’une simple formation d’ordre méthodologique » 58, c’est-à-dire il soit lui-même « libéré de ses inhibitions corporelles inconscientes, qu’il soit d’abord à l’aise dans son propre corps, dans le mouvement, dans l’espace pour le devenir ensuite avec autrui » 59 . Et l’éminent verbo-tonaliste de proposer, pour la formation verbo-tonale des enseignants, « un séminaire de techniques d’expression et de communication non verbales et verbales centré sur l’affirmation de soi, la libération du potentiel de créativité et de communication dans la classe de langue. »
Si l’on peut comprendre la cohérence de cette posture dans une optique où l’objectif pédagogique subordonne les techniques théâtrales, la praxis sur la scène affective réclamerait plutôt soit une formation aux techniques théâtrales contemporaines elles-mêmes, soit la conjonction chez un même individu et dans le même mouvement des capacités, expériences et talents de femme/homme de l’art et de didacticien / phonéticien – alignement planétaire que l’on peut rencontrer par exemple chez Régine Llorca ou Gisèle Pierra.
Une autre hypothèse – et on discernera aisément qu’elle a notre préférence – sera la constitution d’un tandem par exemple de deux personnalités, deux professionnels venus l’un du monde de la didactique et l’autre du monde de l’Art du théâtre. Nul doute que le terme d’équipe pédagogique ne trouverait plus qu’ici plus heureuse illustration …
Reste que « les émotions vives de la voix d’un enseignant, son langage et ses comportements non verbaux sont sans doute aussi importants que les faits intemporels et les exercices de pensée et d’habileté qu’il ou elle cherche à transmettre 60.
12. Qui dira enfin l’infinie patience du pédagogue – quasiment identique à celle que la conception allemande du Théâtre avait assignée à son Dramaturg – quand il va guider l’apprenant dans la correction par approximations successives ?…
Un des principes de la MVT consiste en ce que le travail de correction phonétique (diagnostic de l’erreur et remédiation) s’opère dans le cadre d’une méthodologie globalisante : ce sont les « rapports d’interdépendance entre les micro-systèmes » 61, qui vont être utilisés, et « dans un processus de maturation inconsciente, les différents éléments se mettront en place, par approximations successives et réajustements constants, avec et par les autres.» 62.
C’est ce processus lent et inconscient que nous voudrions mettre en évidence dans le fonctionnement de cette scène affective. L’apprenant-acteur s’avance, fait mouvement sur cette scène comme en terra incognita, armé de ses seules émotions, tous feux allumés dans sa mémoire sensorielle. Et c’est à ce moment-là qu’il doit accepter de ne pas savoir, de ne pas comprendre. Avec son oreille innocente. Comme un acteur : Un acteur ne doit pas se contenter de ne présenter que ce qu’il comprend : il ramènerait le mystère de son rôle à son propre niveau. Il doit laisser le rôle faire résonner en lui tout ce qu’il ne pourrait jamais atteindre 63.
C’est donc par abandons successifs que cette imprégnation et exploration de la langue étrangère vont s’opérer. Cette plongée exploratoire ne peut pas se faire d’un seul coup, au risque de noyade/démotivation. C’est à une lente et obstinée reconstruction/rééducation qu’il faut s’attaquer. Pierra propose pour sa part de recourir aux ressources à la fois inconscientes et conscientes inhérentes au travail créatif qui met en rapport aux textes. Affects et fantasmes sont alors transmutés en actions physiques conscientisées par l’imagination produisant l’objet esthétique de la mise en espace 64.
Si nous nous plaçons sur le plan de la correction verbo-tonale, cette appropriation de structures de différents niveaux implique, nous l’avons vu, une prise de conscience des différents filtres (phonologique en particulier) dans une véritable entreprise de « déconditionnement neurophysiologique » pour que « les séquences prosodiques mises en place deviennent des lieux d’accueil privilégiés des séquences linguistiques » 65. Et c’est par ajustements successives que l’apprenant va intégrer cette dimension prosodique, par rééducation progressive (de l’hémisphère droit), inconsciente et non analytique (cf. hémisphère gauche).
13. Au long de ce parcours, nous avons posé les conditions d’inscription des procédés de la MVT sur la scène didactique, et nous avons suggéré que c’était la scène affective qui pouvait remplir ces conditions, en répondant à la fois aux fondements théoriques posés par la littérature verbo-tonaliste et aux apports de l’Art du Théâtre, éclairés par les pratiques aussi bien du théâtre didactique ou baroque que celles du théâtre contemporain 67.
Résumons les grandes lignes de cette confluence :
1. Tout part fondamentalement du corps
2. Ce corps affecté pris dans la tension d’une situation dramatique est à l’origine des émotions, elles-mêmes condition indispensable à un apprentissage durable/ancré
3. Il se met alors en jeu en devenant moyen d’apprentissage en tant que vecteur de la voix et du mouvement, supports des « valeurs de la langue » et tous les moyens de communication.
A la lecture de ce condensé, on peut juger aisément de ce que l’art du pédagogue peut avoir de démiurgique (nous en avons vu plus haut les limites).
Mais la question du corpus vocal/textuel d’apprentissage peut aussi se poser. Les A.C., en mettant l’accent sur la situation, le dialogue, l’échange, avaient voulu palier l’inconvénient des dialogues édulcorés en situations neutralisées. Pour J.-P. Cuq, le théâtre offre comme avantages supplémentaires de faire découvrir une culture à travers l’étude de textes de théâtre francophone, de mettre en scène et donc de jouer des personnages insérés dans des univers francophones 67.
Même corpus d’apprentissage donc que chez G. Pierra avec un accent mis sur l’interculturel. Pour Intravaia, nous l’avons vu, des situations linguistiques proches d’un séjour dans le pays de la langue étudiée, de façon à développer une « compétence conversationnelle » (avec par exemple l’emploi de formules de politesse et des exercices d’expression libre … ). Beaucoup de verbo-tonalistes prennent appui, dans leurs séances de correction, sur l’emploi de « phrases » du quotidien (courtes en général) pour amener les apprenants vers les procédés de correction.
Nous avons plus haut indiqué les limites qui, à notre sens, viennent marquer la volonté d’utiliser l’espace-classe comme le lieu du « faire-semblant », dans lequel, nous semble-t-il, malgré tous les efforts et bonne volonté et compétence des uns et des autres, le réel trouve très peu place.
14. Nous souhaiterions pour notre part essayer d’avancer vers une autre voie (voix? … ), quitte à nous installer dans « l’artificiel » assumé. Essayez de dire tout haut les vers suivants de Racine (tirés de Bérénice – Acte IV sc. 5) :
Je n’écoute plus rien, et pour jamais : adieu …
Pour jamais ! Ah, seigneur ! songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
L’alternance des /ɛ/, /e/, /œ/, /ø/ offre à l’apprenant une gamme diversifiée d’ouverture et de fermeture, de tension et de relâchement. Proposez à l’apprenant une tension dramatique (Titus Berenicem invitus invitam dimisit – Titus renvoya Bérénice malgré lui malgré elle) et le corps de l’apprenant va se mettre au travail, dans l’émotion de cet empêchement du mouvement d’amour. Et là, au troisième pied, entendez ce « jamais », éprouvez ce relâchement dans le creux intonatif, l’effondrement (dans certaines mises en scène, Bérénice se retrouve à terre, essayant de ramper, comme chez Antoine Vitez, 1980), le souffle défaillant, vidée de tout son sang, « à peu près sans matière … » : et c’est le corps lui-même affligé qui va ouvrir la voyelle et ancrer cet affaissement dans la mémoire corporelle, qui réactivera à son tour le son correct quand celui-ci se présentera, même après que l’objet de l’émotion a disparu.
Nous avions naguère 68 esquissé deux maigres pistes d’expérimentation : 1 Correction du [ɑ̃] vers [ɔ̃] => [nɔ̃] : Traverser l’espace en diagonale (la classe par exemple) avec doigt pointé devant soi qui montre un « objet » (être ou chose) en signe de refus ou réprobation. Refaire plusieurs fois le parcours en accélérant. Il en résulte une hausse du volume de la voix et sa tonalité. Tension + de [ɑ̃] vers [ɔ̃]. – 2 Correction du [o] et [ɔ] : Travail au sol (favorisant les postérieures arrondies) accompagné de répétitions de mouvements de demi-relevés dans une situation de « désespoir combattu » pour le passage de la voyelle ouverte T– vers la voyelle fermée T+. Exemple de phrase proposé et séquencée. Proposition en alternances de diverses réalisations sur la lueur d’un espoir Oh fermé et tendu vers le haut (oh la lumière, oh le soleil, oh l’espoir …) et le Oh ouvert et relâché sur l’expiration du retour au sol (oh je suis seul, oh je suis abandonné …).
Sur cette scène affective que nous tentons de décrire, Racine propose autre chose, un continent d’inexploré pour les verbo-tonalistes 69: « Les textes de Racine sont des propositions pour le corps. Ils proposent des corps, des rythmes, des voix » 70…
Alors on ne parle plus comme cela, de nos jours ? C’est entendu ! … Du temps de Racine non plus, d’ailleurs. Mais que demande-t-on à cette langue, ici ? De montrer la blessure et de clamer la protestation, dans le secret même de cette langue, dans son intimité.
Pour l’apprenant de LE, on y retrouve tous les problèmes « techniques », d’exécution, déjà abordés plus haut : la scène sonore, la respiration, la situation dramatique, l’état physique et psychologique de l’apprenant.
En tentant de décrire cette scène affective sur laquelle s’inscriraient en majesté les procédés de correction phonétique avancés par la MVT, c’est à un dépassement originel que nous faisons référence, une réactualisation du sonore, telle que la réalise l’enfant à l’instant de son entrée en langage, elle viendrait abolir cette « castration vocale » – ce « renoncement au plaisir vocal qu’implique l’apprentissage du code langagier » (Delbe 1996, Castarède), cette lourde perte de bonheur que laisse derrière elle l’entrée en sens. Il s’agirait de rehausser, jusqu’au cœur même de l’apprenant (prenons les mots dans toutes leurs acceptions), la jubilation du sonore d’enfance – quand le signe arbitraire et formel, tout d’abstraction pétri, étrangle l’intonatif et l’émotionnel.
Mais cette scène affective didactique doit employer les moyens de l’Art du Théâtre, et le théâtre a inventé la situation dramatique pour que l’émotion et les affects jouent à plein leur rôle originel dans le désir/besoin de dire à l’Autre.
Alors sur cette scène affective et désormais didactique, une palpitation, un frémissement …
Si l’on accepte que la vie dans le théâtre est plus visible, plus lisible qu’à l’extérieur, on voit que c’est à la fois la même chose et un peu autrement. À partir de cela on peut donner diverses précisions. La première est que cette vie-là est plus lisible et plus intense parce qu’elle est plus concentrée. Le fait même de réduire l’espace, et de ramasser le temps, crée une concentration. (Peter Brook, 1991)
Notes.
- Cette tension n’est pas obligatoirement colorée de négatif : le vaudeville, de Labiche à Feydeau, est caractérisé, dans son argument le plus caricatural, par l’adultère qui ressort en dernière instance de quelque chose qui ne doit pas se produire – ce qui entraîne les trois personnages principaux, le mari, la femme et l’amant, dans un ballet d’apparition et de disparition et de « portes qui claquent ».
2. Gisèle Pierra, Une esthétique théâtrale en langue étrangère, op. cit. p. 182
3. Louis Jouvet, Le comédien désincarné, op. cit. p. 82
4. Pietro Intravaia, « Expérience psycholinguistique d’apprentissage d’une langue nouvelle » dans Formation 2000,2003,2007
5. Pietro Intravaia, « La « classe-choc », un outil incontournable de formation des enseignants de langue », loc. cit.
6. Ibidem.
7. Ibidem.
8. Ibid. p. 140
9. Gisèle Pierra, Une esthétique théâtrale en langue étrangère, op. cit. p. 182
10. Gisèle Pierra, Le corps, la voix, le texte. Arts du langage en langue étrangère , Lʼ Harmatan, 2006, p. 138.
11. Ibid. p.140
12. Cité par Pierra, ibid. p. 123
13. Paul Valéry dans Michel Bernardy, Le jeu verbal, Editions de l’Aube, 1998, p. 131.
14. Valère Novarina, Lumières du corps, P.O.L éditeur, 2006, p. 52.
15. Nous ne pouvons que renvoyer aux très éclairants travaux d’Isabelle Hesling, en particulier dans « L’hémisphère cérébral droit : un atout en anglais de spécialité », ASp, 2002, pp. 121-140
16. Dell Hymes, Vers la compétence de communication, op. cit.
17. Roman Jakobson, Langage enfantin et aphasie, Edition de Minuit, 1969
18. Massia Kaneman Pougatch et Elisabeth Pedoya Guimbretière, Plaisir des sons : phonétique du français, Hatier, 1991, 191 p.
19. Michel Billières, “Des activités de classe aux activités cognitives en phonétique corrective”. Actes du XIIIème colloque international SGAV, Université de Toulouse-Le Mirail, 12-14 septembre 2002, 2003 p. 71-87
20. ‘inventeur en est Dario Fo. Né en 1926, écrivain italien, metteur en scène et acteur, prix Nobel de littérature en 1997, héritier et continuateur de Ruzzante (1496 / 1542), l’auteur des Rustres, celui-ci qui fut en pleine Renaissance le « vrai père de la Commedia dell’arte et qui inventa un langage original, un langage de et pour le théâtre, basé sur la variété des langues et mélangé d’onomatopées de sa propre invention ». Discours prononcé à l’occasion de la réception du Prix Nobel de littérature en 1997.
21. Deux sites pour un aperçu du talent « mimico » de Dario Fo : « l’Homme et la technologie« . (1977).https://www.youtube.com/ watch?v= 8A4 n9Ez9O8g – avec « l’accent anglais » / Et « Explication de la crise« . (2008). https://www.youtube.com/ watch?v= 3KnaBY9 Ac8w – avec « l’accent américain » – Ces deux extraits ne donnent qu’un reflet lointain de ce que peut éprouver le spectateur assis à quelques mètres de l’acteur et emporté dans une grande sarabande de bonheur d’enfance …
22. Pierre-Paul Lacas, « La musique, un instrument pour guérir », dans Edith Lecourt, « L’intervalle musical : entre l’Autre et l’autre », Insistance, vol 2, n°6, 2011, pp. 119-132
24. Régine Llorca, Du geste à la parole, loc. cit.
25. Massia Kaneman Pougatch et Elisabeth Pedoya Guimbretière, Plaisir des sons : phonétique du français, Hatier, 1991, p. 56.
26. Régine Llorca, , Le rôle de la mémoire musicale dans la perception d’une langue étrangère, in Revue de Phonétique Appliquée, n ̊102, 1992 pp. 54,55.
27. Pietro Intravaia, « La « classe-choc », un outil incontournable de formation des enseignants de langue » op. cit.
28. Spécialiste en phonétique, elle nourrit sa réflexion pédagogique de son expérience de danseuse et de comédienne
29. Pietro Intravaia, « Expérience psycholinguistique d’apprentissage d’une langue nouvelle » op. cit. p. 97.
30. Elisabeth Guimbretière, Phonétique et enseignement de l’oral, Hatier, 1996, p. 69
31. Régine Llorca, « Le rôle de la mémoire musicale dans la perception d’une langue étrangère », Revue de phonétique appliquée, n°102 1992, p. 72.
32. Régine Llorca, Du geste à la parole, http://www.francparler-oif.org/images/stories/articles/llorca2008.htm Consulté le 17/05/2016
33. Tiré du spectacle monté par R. Llorca « Ma parole, elle danse » https://www.youtube.com/watch?v=OPrQbrCMbbY Consulté le 17/05/2016 ?
34. Régine Llorca, https://www.youtube.com/ watch?v=AI4x-7zlQkA
35. Pour les paragraphes suivants, nous avons puisé dans l’excellent article de Eve Mascarau « L’entrée en scène chez Louis Jouvet », ainsi dans nos lectures du « Comédien désincarné » (Flammarion, 1954) – On trouvera également de très précieuses indications à visée didactique (Leçons aux jeunes acteurs et apprentissage de l’Art du théâtre – et par extension, à destination des didacticiens de LE, exploration et approfondissement du fonctionnement du corps et de la voix en situation théâtrale) dans la transcription des cours au Conservatoire, en particulier « Molière et la Comédie classique »(Gallimard, 1965), et le très admirable extrait « Elvire, Jouvet 40 » (BEBA Editeur, 1986).
37. http://www.sofilm.fr/interview-jean-pierre-leaud – C’est nous qui soulignons
38. Il faudrait pouvoir citer in extenso les pages brèves mais si denses du chapitre Texte et jeu dans le Comédien désincarné (Op. cit, p. 143-165)
39. Il s’agissait du spectacle Paroles du Sages, Paris, 1995
40. Serge Martin, in Penser la voix comme matière-relation (avec Régy et Tsevaeva), https://ver.hypotheses.org/291
41. On devine ici notre hâte gourmande de confronter un jour, bientôt, la gestuelle de la main pour l’acteur telle que la conçoit Régy avec les supinations de la main et du bras du pédagogue dans ses séances de correction phonétique …
42. Matthieu Mével, 2015, L’Acteur singulier, Actes Sud-Papiers, Apprendre
43. Mathieu Mével, op.cit.
44. Ibid.
45. Prisca Schmidt, « Le théâtre comme art dans l’apprentissage de la langue étrangère », loc. cit. p. 96
46. Peter Brook, « Le théâtre, un outil fantastique pour l’éducation », Cahiers pédagogiques, 1995, pp. 18-19 dans Prisca Schmidt, « Le théâtre comme art dans l’apprentissage de la langue étrangère », loc. cit. p. 96
47. Pietro Intravaia, « La « classe-choc », un outil incontournable de formation des enseignants de langue » op. cit.
48. Metteur en scène, acteur, réalisateur, théoricien de L’Espace vide – Ecrits sur le théâtre, Seuil, 1977. Connu pour ses mises en scènes des grands textes du répertoire et Shakespeare en particulier, il crée en 1970 le Centre International de Recherches Théâtrales où il travaille avec des acteurs de différents pays et différentes cultures.
49. Ibid. p. 5
50. Le comédien désincarné, op. cit.
51. Peter Brook, « Le théâtre, un outil fantastique pour l’éducation », Cahiers pédagogiques, 1995, pp. 18-19.
52. Théodore Reik, « Ecouter la troisième oreille, l’expérience intérieure d’un psychanalyste » dans Lionel Raufast, « De la sensualité de confortation à la sensualité de confrontation », Oxymoron, 2010 p. 8
53. Ibid. p. 10
54. Jean-Marie Valentin, Les jésuites et le théâtre, la mesure des choses, op. cit. p. 87
55. « Travailler à devenir autre et faire advenir l’autre par ses paroles, impose que le corps et la voix se débarrassent du poids du regard d’autrui pour devenir publiquement assumés. Pour cela rien de tel que la création d’un personnage sur une scène et des exercices corporels tissant des relations de groupes », Gisèle Pierra, Une esthétique théâtrale en langue étrangère, L’Harmattan, 2011, p. 210.
56. Véronique Laurens, « Théâtre et apprentissage du français », Service Formation de la Cimade, loc. cit.
57. Prisca Schmidt, « Le théâtre comme art dans l’apprentissage de la langue étrangère », loc. cit. p. 95
58. Philippe Ivernel « Du spectacle au montage ininterrompu : le lehrstück brechtien » dans Sylvain Diaz « Le Lehrstück brechtien, théâtre de l’accident », p.5
59. Pietro Intravaia, « La « classe-choc », un outil incontournable de formation des enseignants de langue » op. cit.
60. Ibidem.
61. Colwyn Trevarthen et Maya Gratier, « Voix et musicalité : nature, émotion, relations et culture » dans Marie France Castarède, Gabrielle Konopczynski et al, « Au commencement était la voix », op cit. p. 108
62. Marie-Jeanne De Man-De Vriendt et al, Apprentissage d’une langue étrangère/seconde, Parcours et procédures de construction du sens, De Boeck Supérieur, 2000, p. 48.
63. Ibid. p.49. C’est nous qui soulignons.
64. Peter Brook, « Le théâtre, un outil fantastique pour l’éducation », Cahiers pédagogiques, 1995, pp. 18-19 dans Prisca Schmidt, « Le théâtre comme art dans l’apprentissage de la langue étrangère », loc. cit. p. 96
65. Gisèle Pierra, Une esthétique théâtrale en langue étrangère, L’Harmattan, 2011, p. 214.
66. Isabelle Hesling, « L’hémisphère cérébral droit : un atout en anglais de spécialité », loc. cit. p. 124
67. Nous avons volontairement laissé de côté les Techniques psychodramatiques, aussi bien celles s’inspirant du Théâtre de l’Opprimé (Augusto Boal) et du Théâtre de la spontanéité (Jacob Lévy Moréno) que celles initiées par Bernard Dufeu (Psychodramaturgie linguistique), Daniel Feldhendler (Dramaturgie relationnelle), Alex Cormanski (Le corps dans la langue) et Jean-Pierre Ryngaert (L’essai sans risque) ; ces remarquables théoriciens et praticiens ne nous semblaient pas pouvoir entrer dans les problématiques des procédés de correction verbo-tonale qui font l’objet de ces développements.
68. Jean-Pierre Cuq, Dictionnaire de Didactique du Français Langue Etrangère et Seconde, CLE International, 2003 p. 753.
69. Le corps parlé : le théâtre et la MVT, analyse d’un rendez-vous manqué – Mémoire Master 2 Recherche, juin 2016, Université Toulouse Jean-Jaurès, Département Sciences du Langages ADFLES, sous la direction de Michel Billières.
70. Peut-être devrait-on préciser : « pour le tandem pédagogique » – voir plus haut …
71. Matthieu Mével, op. cit.
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