La communication obéit à des règles implicites.
L’interaction verbale et non verbale entre deux individus doit satisfaire à plusieurs conditions pour que la communication soit un succès. Les locuteurs doivent
- avoir en commun un certain nombre de valeurs et de croyances ;
- accepter un certain nombre de normes communes (culturelles, sociales);
- s’engager dans l’échange en le gérant de telle sorte que l’interaction se poursuive avec un minimum de risques.
♦ Goffman a minutieusement étudié la mise en scène de la vie quotidienne. Son idée fondamentale est que les rapports entre les individus sont toujours des rapports de force fondés sur le simulacre. Toute interaction est toujours à hauts risques ; son dispositif est de permettre la poursuite d’une « guerre froide », selon la formule de Goffman. Pour lui, les interactants sont en fait des acteurs qui exhibent une image d’eux mêmes. Ils font tout pour ne pas perdre la face.
Le statut d’une personne dépend d’un ensemble de positions sociales : âge, sexe, métier, position familiale, religieuse, politique… constituant autant d’attributs sociaux. Telle relation active tel statut : un individu est père avec ses enfants, professeur avec ses élèves, patient avec un médecin, client au magasin, suspect au commissariat, etc.
Le rôle est l’ensemble des modèles culturels associés à un statut donné. C’est un modèle d’action préétabli que l’on utilise durant une interaction et qui peut être employés en d’autres occasions. On distingue des
- rôles institutionnels, qui sont stables : interaction médecin/patient, parent/enfant, client/vendeur… ;
- rôles discursifs, qui sont occasionnels et dépendent de la situation d’interaction : agresseur, conseilleur, conciliateur, séducteur, sage, blagueur…
♦ Grice, un philosophe du langage, a formulé le principe de coopération qui est à la base de toute communication. Il le complète par quatre règles constituées par les maximes conversationnelles. Leur respect garantit un échange « heureux ».
QUANTITE | Que votre contribution contienne autant d’information qu’il est requis et pas davantage |
QUALITE | Que votre contribution soit véridique:
• n’affirmez pas ce que vous croyez faux • n’affirmez pas ce sur quoi vous manquez de preuves |
RELATION | Soyez pertinent, parlez à propos |
MODALITE | Soyez clair:
• évitez d’être obscur • évitez l’ambiguïté • soyez concis • exprimez-vous avec ordre |
L’idée de base de l’ensemble des travaux portant sur la communication verbale est en gros la suivante. Chaque fois qu’on prend la parole, on a l’intention de transmettre des informations. Mais aussi d’autres projets, des intentionnalités plus ou moins conscientes d’action sur ceux qui écoutent. Ainsi, toute communication est appel d’adhésion. Elle apparaît également comme un échange de projets d’actions mutuelles entre les partenaires. Apprendre à communiquer, ce n’est pas seulement apprendre les règles du jeu; c’est apprendre à repérer les ruses du partenaire afin de les déjouer par des stratégies efficaces.
En fait, le contenu du propos, c’est au fond ce qui permet d’obtenir le résultat attendu chez le partenaire et c’est cela qui importe. La communication apparaît comme une sorte de double manipulation par chacun de l’autre au cours de laquelle on cherche à le séduire, convaincre, abuser, dominer, agresser, circonvenir, etc
Dans cette recherche de bénéfices (matériels ou symboliques), les rapports de pouvoir et les rapports de séduction occupent une place de choix :
- rapports de pouvoir: jeu compétitif où chacun essaie de l’emporter sur l’interlocuteur :
- avoir raison
- avoir le dernier mot
- donner une meilleure image
- être le plus fort
- rapports de séduction: instaure un jeu coopératif et mimétique où s’expriment
- La reconnaissance réciproque
- L’affinité
- La valorisation mutuelle
Toutes les pratiques communicatives sont des conduites ordonnées. Elle présentent des schémas prévisibles ainsi que des règles de procédure. Les règles régissant les interactions verbales sont de nature très diverse : 3 grandes catégories interviennent à des niveaux différents : a) règles au niveau de la relation interpersonnelle; b) règles régissant l’organisation structurale de l’interaction; c) règles permettant la gestion des tours de parole.
Cette conception élargie de la communication s’inscrit dans un certain cadre communicatif.[litetooltip targetid= »litetooltip_1511101562016″ location= »top » opacity= »1″ backcolor= »#a2d959″ textcolor= »#ffffff » textalign= »center » margin= »5″ padding= »10″ trigger= »hover »]
Pour la suite de cette section, nous nous inspirons directement de l’excellent article de P. Charaudeau « Ce que communiquer veut dire » publié dans le n° 51 de Sciences humaines (cf. Bibliographie).
[/litetooltip]
Le droit à la parole
Il est nécessaire afin d’établir la communication avec un tiers. Il se fonde sur quatre principes.
principe d’altérité
la communication est un processus d’échange entre les deux partenaires qui doivent se reconnaître comme à la fois
– semblables: ils doivent s’accorder sur le sens de leurs propos, partager les mêmes intentions et finalités;
– et différents: ils jouent des rôles distincts et ont des intentionnalités distinctes.
principe de pertinence
Les interactants ont intérêt à avoir en commun un certain savoir sur le monde, sur les valeurs et les normes fonctionnant lors des comportements sociaux.
principe de régulation
Il impose aux partenaires de l’interaction l’obligation de réguler le jeu d’influences afin de prévenir, autant que faire se peut, les risques de conflit et de rupture qui peuvent apparaître lors de tout échange langagier.
principe d’influence
Il définit un acte de communication comme étant une lutte pour les enjeux de la communication, puisque un locuteur s’efforce toujours d’influencer son destinataire pour le faire agir, pour l’émouvoir ou pour orienter sa pensée.
Il souligne trois caractéristiques.
le contrat de communication
Il se déroule dans un cadre pré structuré variant en fonction de la situation. Celle -ci est définie selon quatre principes :
– on parle pour atteindre quel but?
– qui s’adresse à qui?
– de quoi parle-t-on?
– dans quel cadre parle-t-on?
Si les partenaires de l’échange n’y prêtent pas attention, il y a de forts risques pour que le quiproquo ou le malentendu surgissent…
la valeur des mots
Ils véhiculent une certaine identité sociale dont les participants doivent tenir compte : jargon des jeunes, des informaticiens, des linguistes -ce que l’on appelle des sociolectes.
les rituels langagiers
Comportements que les personnes doivent mettre en œuvre pour maintenir un contact. Il s’agit notamment des formules de politesse initialisant ou mettant fin à un échange langagier, ces deux moments étant symboliquement dangereux : engager un échange verbal présente toujours un certain risque -cas d’un partenaire familier mais mal disposé à ce moment-là par ex.-; de même clôturer une conversation n’est pas sans inconvénient -ai-je été vraiment bien compris?-.
Stratégies de discours
Elles interviennent sur trois plans.
la légitimité
externe au sujet parlant, est fonction de son statut institutionnel. C’est elle qui donne le pouvoir de dire. Par ex., le locuteur peut user de stratégies de légitimation en mettant son statut en valeur « Je vous parle en tant que médecin » ou, au contraire, en changeant de statut : « Ce n’ est plus le médecin qui vous parle, c’ est l’ ami ».
la crédibilité
est indispensable au locuteur qui doit être jugé apte à savoir dire le vrai. C’est ce qui fait un bon journaliste, un bon enseignant, un bon homme politique…
la captation
attitude consistant à toucher l’affectivité de l’interlocuteur, à provoquer chez lui un certain état émotionnel, bref à le séduire, à le rendre captif. Ceci passe par les qualités oratoires, la vocalité, l’humour.
Au terme de cette exégèse, P. Charaudeau souligne que dans la communication humaine c’est à chaque fois tout l’être, psychologique et social, qui l’engage dans un pari :
– comment acquérir la reconnaissance du droit à la parole?
– comment atteindre l’autre?
– comment se défendre de l’autre?
Vous pouvez (re) lire un autre article du blog dans lequel vous trouverez des informations complétant les données du présent billet. Pour cela, suivez ce lien.
Bibliographie
Ce billet s’inspire directement de l’article de Patrick Charaudeau « Ce que communiquer veut dire » paru dans Sciences Humaines n° 51, juin 1995, p. 20-23.
A consulter également:
Erving Goffman La mise en scène de la vie quotidienne Paris, Les Éditions de Minuit, 1973 (2 vol.)
Herbert-Paul Grice « Logique et conversation», Communications, no 30, 1979, p. 57-72.
Edmond Marc et Dominique Picard Relations et communications interpersonnelles Paris, Dunod, 2000
Catherine Kerbrat-Orecchioni La conversation Paris, Seuil, 1996
Véronique Traverso L’analyse des conversations Paris, Nathan Université, 1999
Crédit image: Pixabay; imagettes: Openclipart