De plus en plus de gens cherchent à s’entretenir à l’oral avec des correspondants étrangers afin d’améliorer leurs connaissances linguistiques et/ou culturelles pour des raisons professionnelles ou personnelles.
Les conditions sont aujourd’hui réunies qui favorisent les échanges langagiers en langue étrangère (L2) entre personnes se trouvant dans différents lieux géographiques. Le développement spectaculaire de technologies en libre accès sur le web, simples à mettre en œuvre, combinant le son et l’image, permet l’instauration d’interactions orales pouvant se pratiquer en temps réel et en face à face.
1. Ce que représente parler en face à face et en direct en langue étrangère
Pratiquer l’oral en L2 avec un natif est certainement le meilleur moyen pour s’approprier l’idiome au niveau des règles d’usage –celles s’attachant à l’aspect linguistique des énoncés- et à celui des règles d’emploi – les comportements langagiers envisagés d’un point de vue socioculturel et pragmatique-. C’est en tout cas un objectif terminal d’un point de vue didactique.
Les protagonistes qui se voient et s’entendent en direct via un logiciel combinant image et son se retrouvent dans une configuration très proche d’une interaction dite « authentique ».
Ces échanges langagiers en L2 et en direct sont en tout cas bien plus naturels et spontanés que ceux se déroulant dans la classe entre pairs : jeux de rôles avec ou sans canevas, simulations, etc.
Mais, toute interaction est un processus à risques. En langue maternelle comme en L2 il peut y avoir à tout moment
- hésitation, bafouillage, reformulation, d’où une impression de propos décousus ou désordonnés et même d’échec de la communication, surtout entre personnes de niveaux linguistiques distincts et de cultures différentes ;
- mauvaise interprétation des propos de l’autre, d’où malentendu, incompréhension, risque d’affrontement, ouvert ou larvé ;
- passage soudain et sans préavis d’un thème à l’autre. Ceci est très fréquent dans les interactions spontanées où l’on discute à bâtons rompus et où on passe souvent du coq à l’âne. Ce que l’on n’observe pas dans les dialogues des méthodes bâtis autour d’un thème unique et bannissant l’implicite, le sous-entendu ainsi que le non dit car trop difficiles à gérer en situation d’apprentissage.
Pour être couronnée de succès, l’interaction langagière repose donc sur les principes de coopération et collaboration réciproques. Il s’agit de prévenir, d’anticiper, de gérer (voire de tirer profit) des conflits pouvant surgir n’importe quand au cours de son déroulement.
Ces dangers inhérents aux interactions spontanées sont démultipliés dans une communication exolingue. Les protagonistes doivent gérer en commun et simultanément le déroulement dans le temps d’une conversation combinant plusieurs facteurs de risques
- linguistique : en fonction du niveau de connaissance de la langue des actants ; l’asymétrie ou la disparité peuvent être flagrantes et handicapantes ;
- culturel : les comportements non verbaux prennent ici toute leur dimension. Ainsi, les mimiques faciales et les gestes (en fonction du champ de la webcam) peuvent être des auxiliaires précieux comme constituer de redoutables pièges. La prosodie n’est pas en reste ; certaines modulations vocales peuvent prêter à confusion ;
- interactionnel : des rituels conversationnels peuvent différer d’une culture à l’autre, d’où le danger d’une « bavure » culturelle involontaire autant qu’imprévisible. Que l’on songe simplement à deux moment symboliques délicats dans toute interaction : comment entrer en contact avec quelqu’un, comment prendre congé. Les routines verbales comme les comportements peuvent différer parfois sensiblement d’une culture à l’autre.
Un locuteur adopte spontanément certains comportements typiques de l’oral quand il interagit en langue maternelle. Il lui faut les retrouver en L2 quand il parle avec un interlocuteur natif. Il doit faire face à
- l’improvisation qui est une caractéristique absolue de l’oral. Parler est une continuelle fuite en avant, je ne sais pas ce que je vais dire ni comment je vais le dire dans deux secondes. C’est le cas en langue maternelle, cela peut être plus angoissant en L2 compte tenu du niveau linguistique comme de la non appréhension de certaines normes culturelles ou communicatives ;
- l’imprécision, qui constitue un autre charme de l’oral. Je ne trouve pas toujours le mot juste pas plus que je ne parviens à exprimer clairement une idée ou un concept, d’où des propos parfois vagues, tournant autour du pot, etc. ;
- la mise en danger et la possibilité de rebondir. Dans l’interaction en face à face et en direct en L2 avec un natif, nous sommes dans la vraie vie, pas dans la classe.
2. Comment trouver des correspondants en L2.
2.1. Les réseaux sociaux
Une première piste est constituée par les réseaux sociaux où l’on a plein d’amis virtuels et le sentiment (entretenu par certains media) d’être membre d’une « communauté », d’un « cercle ». On peut proposer d’entrer en contact avec des représentants de la langue cible et d’instaurer un échange linguistique.
Certaines précautions peuvent être prises pour ne pas avoir affaire à des personnes envahissantes, ne correspondant pas aux attentes, ou mal intentionnées
On commence à échanger par messagerie instantanée, puis en audio, pour passer à la vidéo si tout se présente bien. En cas de doute, avant de donner son adresse sur Skype ou Hangouts, (logiciels efficients pour discuter avec un ou plusieurs partenaires) on peut utiliser des services en ligne pour lesquels il est inutile de s’inscrire et qui fournissent une adresse URL unique. Il suffit de la communiquer pour s’entretenir en vidéo avec un correspondant : appear.in ou bien hutt ou encore awesometalk
Ces services en ligne peuvent également être utilisés pour des conférences regroupant plusieurs personnes. Ceci peut être intéressant en cas de projet collaboratif : révisions en commun, préparation d’un voyage ou d’un séjour, personnalisation des thèmes de discussion en fonction de centres d’intérêt, etc.
2.2. Les sites pour un apprentissage des langues à distance avec des natifs
Ces sites sont légion sur le net. On en trouve une recension par exemple ici.
Ils s’adressent aux particuliers ainsi qu’aux enseignants avec, comme principe, les mettre en contact avec des locuteurs natifs de la langue cible.
Ils surfent sur l’engouement suscité par la culture numérique ainsi que sur une mise en cause plus ou moins explicite du modèle scolaire d’enseignement des langues, sclérosé, vieillot, mal adapté, peu efficace. Ils valorisent le fait d’intégrer une communauté: en s’inscrivant on n’est pas seul devant son ordinateur face à un professeur, on rejoint d’autres personnes avec qui il est possible de communiquer et d’échanger scripturalement et oralement.
Certains sites, comme Voxopop proposent de rejoindre une communauté d’apprentissage constituant un groupe de discussion sur la base d’intérêts partagés.
D’autres sites proposent de pratiquer l’oral en langue étrangère sur la base d’un enseignement à distance dispensé par un professeur natif. Wespeke, itaki et Verbalplanet font partie de cette catégorie. Ils offrent des prestations variées (pouvant différer d’un site à l’autre).
- choix de l’enseignant parmi un panel de professeurs natifs (c’est l’argument de choc) dont les profils sont disponibles -et vérifiables (?)- ;
- prise de contact avec l’enseignant pour un cours d’essai ; possibilité de s’adresser à un autre professeur si incompatibilité ou autre ;
- possibilité de choisir les thématiques de discussion ; intéressant en cas de révision pour préparer un examen ou encore de vouloir acquérir un jargon de spécialité, sorte de français sur objectifs spécifiques. Le professeur doit posséder l’expertise nécessaire pour ce faire, cela va de soi;
- « quand vous voulez, où vous voulez » : grande souplesse pour se connecter (tenir compte du décalage horaire et de l’ensemble des moyens technologiques à disposition);
- une fois inscrit, outre les cours avec l’enseignant, possibilité de rejoindre des groupes de discussion ;
- aide en ligne : accès à un dictionnaire, une ressource de grammaire, liens vers des sites utiles ;
- possibilité de poser des questions –d’ordre linguistique ou culturel- oralement ou par écrit avec garantie de réponse soit par un professeur soit par les autres membres du groupe de discussion ;
- exercices divers, avec corrigés dans des délais rapides, assurés par le professeur ou les membres de la communauté;
- évaluation à divers moments de l’apprentissage ;
- préparation à une certification officielle
- …
La démarche consistant à rejoindre un groupe de discussion en L2 sur le net est intéressante. Converser avec les représentants de la langue visée n’offre que des avantages a priori. Faire connaissance via les réseaux sociaux, dialoguer épisodiquement ou fréquemment est une chose. S’inscrire sur un site en ligne payant en est une autre. Ceci représente déjà un engagement plus poussé. Pour réussir dans cette entreprise, la personne pratiquant l’oral à distance en langue étrangère avec un professeur doit manifester:
- un goût du risque ; on n’est plus dans le cadre somme toute rassurant de la classe ;
- de la curiosité ; il faut qu’elle aussi relance la discussion, ait des choses à dire mais aussi à demander ;
- une certaine autonomie ; c’est essentiel. La personne s’inscrivant doit avoir des objectifs (elle sait ce qu’elle vient chercher et pourquoi). De même, elle sait travailler seule, elle est aussi capable de s’auto-évaluer.
Entreprendre la démarche de s’inscrire sur ce genre de site avec l’ambition d’améliorer ses performances en L2 et plus spécifiquement à l’oral signifie avoir conscience de
- vouloir dépasser le stade de la « simple » compréhension de l’oral. Pour ce faire, on pourrait se contenter d’utiliser des podcasts (radio, TV, séries, films chansons en L2). Dialoguer en direct avec des natifs c’est pénétrer dans une autre dimension : celle de la production langagière et de la créativité en L2 ;
- changer de statut : on n’est plus simple spectateur ou témoin, désormais on est acteur et responsable à l’oral en L2.
Échanger à l’oral dans la durée avec un natif permet d’améliorer la compréhension et surtout la production en L2. Naturellement, les autres formes habituelles de contenus disponibles doivent être exploitées. Le net regorge de ressources permettant d’écouter et de voir des contenus très diversifiés dans la L2 de son choix. Toute personne le désirant a libre accès à une multitude de sites permettant un contact sans précédant avec la forme orale d’une langue.
Pour terminer, nous renvoyons vers des sites qui ont récemment recensé des ressources orales disponibles dans diverses langues dont le français. C’est un inventaire à la Prévert mais pouvant constituer une aide précieuse.
Thot Cursus a réuni des podcasts audio et vidéo pour travailler sur la dimension orale des langues. Il propose un répertoire pour les langues européennes et un autre pour les langues asiatiques.
Un autre répertoire de liens utiles pour accéder à la dimension orale de plusieurs langues est disponible ici.