L’importance de l’intonation dans le domaine de l’enseignement de la prononciation est mise en avant par les didacticiens travaillant sur l’oralité en langue étrangère (ici: le FLE). Elle est également soulignée par la méthode verbo tonale d’intégration phonétique qui lui accorde une place et un rôle de premier plan pour l’apprentissage de la langue cible. Cet article de synthèse est destiné à montrer tout l’intérêt des phénomènes intonatifs au professeur de langue vivante.
1. Qu’est-ce que l’intonation.
L’intonation est produite par les montées et descentes de la voix du locuteur. Elle peut être globalement définie comme l’intégration perceptive des différents traits prosodiques (variations de la hauteur ainsi que phénomènes rythmiques: débit, pauses, accentuations…).
L’intonation exerce souvent une influence prépondérante dans le choix des apprenants lorsqu’ils indiquent pourquoi ils ont opté pour une langue donnée. Ils émettent une appréciation dans laquelle ils la qualifient de mélodieuse, chantante, harmonieuse. Ce jugement d’ensemble qui a exercé sur eux un effet séducteur alors qu’ils ne comprennent encore rien à cette langue est dû à l’intonation. C’est pour cette raison qu’elle est parfois comparée à la « musique » d’une langue.
2. L’importance de l’intonation dans l’apprentissage du FLE.
• au plan linguistique, l’intonation permet d’exprimer de nombreuses modalités. Une phrase comme Elle est belle la mariée signifie une constatation, une question, traduit la surprise, l’admiration, l’incrédulité ou encore véhicule de l’ironie suivant la manière dont elle est produite.
Toutes ces nuances sont dues à l’intonation. Celle-ci intervient de façon essentielle sur le plan sémantique: grâce à elle, le locuteur a la possibilité d’apporter un supplément informationnel en plus des mots qu’il emploie. Il est manifeste que l’apprenant qui n’est pas entraîné à décoder ces nuances court le risque de passer à côté de beaucoup de subtilités, voire de comprendre de travers, même s’il possède par ailleurs une très bonne connaissance de la langue étudiée.
• au plan psychologique, une bonne intonation procure une aisance certaine dans la pratique de la langue. Parler « sans accent » est toujours valorisant et stimulant, en même temps que cela aide énormément pour un accès au sens plus rapide et moins entaché de risques d’erreurs de compréhension.
En outre, une intonation adéquate contribue à l’intégration sociale. Une personne possédant très bien la langue cible mais ayant un fort accent, ou encore qui réalise très bien les sons mais avec un rythme et une intonation défectueux passe toujours pour un étranger. Ce n’est pas le cas de l’individu dont l’intonation rappelle celle des natifs; il court moins le risque d’être considéré comme n’appartenant pas à la communauté linguistique considérée, même s’il possède une connaissance moindre de la langue.
• au plan pédagogique, l’intonation est la première chose que perçoit l’apprenant, avant même d’identifier des mots isolés ou des groupes de mots. La perception de la parole est un phénomène global : on perçoit par « blocs phoniques » délimités par des montées et des descentes de la voix, des accentuations propres à chaque langue, des pauses réelles ou subjectives. C’est à des étapes ultérieures de traitement que s’opèrent les opérations de reconnaissance d’unités linguistiques plus petites telles que les syllabes, les phonèmes, les mots, etc.
L’intonation permet de découper le continuum sonore en « tranches » d’énoncé qui coïncident souvent avec des groupes de sens. Elle constitue également une trame sur laquelle se réalisent les phonèmes qui, sans elle, n’auraient pas d’existence -c’est évident, encore faut-il en avoir conscience!. Elle contribue également à leur production correcte : la perception et l’articulation d’une unité sonore dépendent entre autres de sa place à l’intérieur du mouvement rythmico-intonatif. On mesure dès lors toute l’importance de cette enveloppe sonore.
3. Les difficultés pour travailler sur l’intonation en phonétique corrective.
L’enseignant travaillant sur le développement de la compétence orale de ses élèves en langue étrangère doit savoir que certains risquent de lui résister s’il les amène à s’aventurer dans le domaine de l’intonation. Cette résistance tout à fait naturelle est due à plusieurs facteurs intercorrélés d’ordre :
• culturel. Chaque langue possède son propre système intonatif structuré de façon originale. Au sens large du terme, l’intonation procède d’une pratique sociale communicationnelle acquise dès la prime enfance et sa dynamique se fond dans la corporéité de l’individu. Le geste intonatif est en effet inséparable des mimiques et des mouvements qui accompagnent spontanément toute prise de parole et qui diffèrent d’une culture à l’autre. Ces comportements culturels visibles sont concomitants avec des comportements culturels audibles assurés par l’intonation et il serait bon d’y sensibiliser les intéressés; peut-être que certaines « bavures » culturelles synonymes d’incompréhension, seraient ainsi évitées…
• affectif. L’intonation est acquise par l’enfant bien avant la mise en place du système phonologique. Travailler sur l’intonation revient à plonger aux racines mêmes de l’affectivité sonore de l’individu, surtout si l’on considère que le foetus y est sensible dès la fin du sixième mois, ou encore que le nouveau né reconnaît la voix maternelle préférentiellement à toute autre voix.
Le bébé acquiert l’intonation car il est plongé dans un véritable bain sonore constitué de vocalisations et d’échanges avec son entourage. Ce critère affectif est l’une des raisons expliquant la difficulté à éradiquer l’intonation de la langue maternelle en langue étrangère.
En outre, travailler sur l’intonation revient à s’emparer de la voix de l’élève que l’on tente de modeler aux nuances de l’autre langue; or, la voix est du ressort de l’intime, du personnel, d’où le sentiment de gêne de certaines personnes qui supportent mal cette intrusion dans leur Moi linguistique.
• psychologique. La personnalité de l’élève est à considérer, un élève extraverti acceptant généralement mieux un travail sur l’intonation qu’un apprenant introverti. En relation avec les facteurs culturels, le système d’enseignement en vigueur dans le pays de l’élève …
• physiologique. L’audition varie considérablement d’un individu à l’autre et des élèves peuvent éprouver des difficultés simplement en raison de capacités limitées de leur système auditif, dont ils peuvent ne pas avoir conscience. D’autre part, l’oreille est
- un décodeur sémantique remarquable capable de déceler des nuances fines transmises par l’intonation ainsi que des indices livrés par l’interlocuteur -origine géo-socio-culturelle, humeur…-;
- elle s’avère dans le même temps un piètre analyseur acoustique très vite saturé quand il lui faut traiter les trois paramètres de durée, de hauteur et d’intensité qui sont à la base des réalisations rythmico-mélodiques parolières.
Nous consacrerons d’autres articles à l’intonation et à son traitement en correction phonétique.
L'intonation se lit, se dessine, s'écrit - MàJ
Il existe différentes manières de visualiser l’intonation lors d’un cours en L2. Ce qui peut constituer une aide tant pour les professeurs que pour les élèves. Tour d’horizon des procédés les plus employés en phonétique du fle grâce à un tutoriel vidéo.
Cet article est très intéressant. L’intonation est due à ces facteurs que vous avez cités ( culturel,affectif,psychologique et physiologique), mais aussi je peux ajouter que même la région( facteur régional) influe sur l’intonation d’où nous trouvons des variantes de langue propres à des régions. Je pense que ça fait aussi appel aux dialectes,aux pidgins…
merci