France culture a consacré plusieurs émissions de qualité au langage est aux langues. La station met à disposition des podcasts qui méritent vraiment d’être consultés. Divers sujets sont traités avec talent par les journalistes qui s’entretiennent avec des spécialistes du domaine. Une sélection dans cet article.
Au commencement était le Verbe.
Pourquoi parle-t-on ? Qu’est-ce qui fait une langue ? Quelles méthodes utiliser pour étudier les langues et leur évolution ? Comment naissent, se transmettent, évoluent et disparaissent-elles ? Les langues sont-elles façonnées par l’environnement ? La langue conditionne-t-elle la pensée, la mémoire?
Sur les 6 à 7000 espèces qui existent dans le monde, plus de la moitié auront disparu d’ici la fin du siècle. Dans certains pays, c’est 80% de la diversité qui sera supprimée d’ici une trentaine d’années. Et selon une ONG, une espèce indigène disparaît en ce moment tous les 15 jours. Ces espèces ne sont pas animales, quoi que, non, ce sont des langues. Des langages parlés, sifflés, tambourinés parfois. Ces langages que Darwin a eu tant de mal à décrire et à catégoriser dans son Origine des espèces. Pourquoi l’être humain s’est-il mis à parler ? Comment se sont formées les langues ? D’où provient leur incroyable diversité, autant de questions auxquelles les réponses sont encore incertaines ?
Pour traiter de l’incroyable diversité des langues, rencontre avec C. Pallier, directeur de l’équipe Neuroimagerie du langage de l’unité neuro-imagerie cognitive INSERM-CEA implantée au centre Neurospin et C. Coupé, chercheur au CNRS au sein du laboratoire Dynamique du Langage de Lyon.
Sur la même page, écoutez également l’entretien avec C. Grinevald, linguiste au Laboratoire de Dynamique du langage – Institut des Sciences de l’Homme Lyon-II. Elle contribue au site Soroso sur les langues en danger et « pour que vivent les langues du monde! ».
L’acquisition du langage chez le bébé.
L’apprentissage tient à une prédisposition humaine et se fait de façon informelle et sans instruction, par simple immersion dans un environnement linguistique donné. La recherche en sciences cognitives a documenté les différentes étapes du développement linguistique.
Les nourrissons et les jeunes enfants apprennent à comprendre et à parler leur langue maternelle avec une rapidité surprenante et sans effort apparent. Ainsi, vers l’âge de trois ou quatre ans le vocabulaire des enfants est encore restreint et leur prononciation doit encore s’améliorer, mais ils produisent des phrases bien formées et leur compétence en compréhension du langage est déjà comparable à celle des adultes. Comment se fait l’apprentissage des sons, des mots, et de la structure des phrases ?
Ecoutez la conférence donnée en mars 2017 par Sharon Peperkamp, directrice du département d’études cognitives de l’ENS, directrice de recherche CNRS, Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique.
Beaucoup de langues disposent de sons communs pour désigner les mots du quotidien.
Selon une étude internationale, près des deux tiers des quelques 6.000 langues parlées dans le monde utilisent les mêmes sonorités pour décrire les concepts et les objets les plus courants. Il y aurait bien une corrélation très forte entre le son des mots de base et leur signification. Cela concerne les parties du corps, les liens de parenté, les phénomènes de la nature ou encore la plupart des objets du quotidien. Pour quelle raison? Le mystère n’est pas nouveau : il traverse l’histoire de la linguistique et divise les scientifiques encore aujourd’hui. La preuve, personne n’a encore réussi à répondre à cette question : le son des mots est-il vraiment arbitraire ?
Beaucoup de linguistes élèvent ce concept en principe fondamental. Comme il n’a jamais été possible de trouver une explication à ces points communs entre les différentes langues du monde, la plupart se sont résignés à dire que, finalement, cela reste le fruit du hasard. Mais voilà, grâce ou à cause de cette nouvelle étude, la question revient sur le tapis.
Plusieurs interventions sur cette question qui fait polémique: N. Chomsky, P. Guiraud, C. Hagège et L.-J. Calvet.
La glottophobie ou la discrimination linguistique.
Le terme de glottophobie proposé par P. Blanchet, Professeur de sociolinguistique à Rennes 2, connait une large diffusion. La glottophobie est une phobie qui passe inaperçue et qui est, de ce fait, considérée comme légitime. Il s’agit du rejet et de la discrimination des populations de par leurs pratiques linguistiques. Philippe Blanchet en fait la présentation avec un constat: malheureusement banalisée, la glottophobie entraîne l’exclusion sociale. Vous le retrouvez lors d’un séminaire de Master -vidéo- et au cours d’un entretien réalisé pour l’émission Chercheurs en ville.
La guerre des langues: français vs globish?
Le globish désigne ce « sous-anglais » parlé aux quatre coins du monde lors d’échanges commerciaux, de sommets internationaux, de rencontres scientifiques et autres. Sans le noircir forcément cet ‘ »anglais appauvri » est un outil planétaire très opérationnel, et très précieux à ce titre. Mais que pouvons-nous entreprendre afin qu’il n’écrase pas les infinies possibilités d’échanges féconds entre les langues ? Trois vidéos sont à découvrir en allant sur la page ci-dessous. Deux présentent le français et les langues de France en dehors de toute glottophobie. La 3ème est intéressante et traduit (sic) un vieux fantasme: et si le français retrouvait son influence d’antan et supplante à nouveau l’anglais, fragilisé par le Brexit, comme langue de négociation? Quelques chiffres sont donnés qui sont étonnants.
Que veut dire « traduire »? Des éléments de réponse sont apportés par Barbara Cassin, philosophe et philologue, directrice de recherches au CNRS.
Valéry Larbaud, grand lecteur et grand traducteur, s’était entouré de livres qu’il avait fait relier dans une couleur qui était fonction de la langue dans laquelle ces livres étaient écrits : les romans anglais étaient reliés en bleu, les espagnols en rouge, les allemands en vert, et ainsi de suite. Il s’agissait de donner à voir que les langues ne sont pas neutres, qu’elle colorie les textes d’une façon si singulière et si intense qu’aucune œuvre ne peut être considérée comme indépendante de sa langue originelle. Pourtant, bien sûr, des transformations en forme de passerelles sont possibles, mais elles relèvent toujours d’une opération délicate : la traduction. « Tout le travail de la traduction, écrivit Valéry Larbaud, est une pesée de mots. Dans l’un des plateaux nous déposons l’un après l’autre les mots de l’auteur, et dans l’autre nous essayons tour à tour un nombre indéterminé de mots appartenant à la langue dans laquelle nous traduisons cet auteur, et nous attendons l’instant où les deux plateaux seront en équilibre ».
La traduction, une opération de pesée tout en finesse, à la fois rigoureuse et littéraire ? Ce qui est certain, c’est qu’elle n’est nullement un petit événement inoffensif. Elle est toujours une authentique activité intellectuelle, une sorte de savoir-faire avec les différences, de jeu subtil avec les mots, les phrases, le sens, les rythmes, les idées. Traduire, c’est en somme pomper des ondes provenant d’horizons divers.
La langue voit la voix.
Aujourd’hui, les ordinateurs et les smartphones sont tous équipés de logiciels de synthèse vocale. Pourtant, faire parler la machine a longtemps été un défi. Petit retour en vidéos sur l’histoire de la synthèse vocale. C’est assez fascinant. Et quelles avancées le numérique porte-t-il en germe pour agir sur la voix? Demain, aurons-nous la possibilité de parler avec une voix de synthèse que nous aurons nous-mêmes créée à partir d’intonations affectionnées, de timbres de célébrités admirées ? Pourrons-nous nous approprier la voix d’un autre, comme dans le film Mission impossible ? L’exposition de la Cité ses Sciences en 2014 permet aux visiteurs de tester les dernières technologies relatives à la transformation et à la synthèse vocale. Quelles sont-elles ? Que peut-on encore faire avec la voix, qui n’ait déjà été fait ? Pour quels enjeux ? Des témoignages à écouter, plusieurs expérimentations dévoilées, André Dussolier découvrant sa propre voix fabriquée à partir d’une base de données…
La prosodie, toujours et encore.
Pour terminer cette promenade autour de la langue en frayant notamment de nouvelles voix (oui je sais c’est facile!), je vous invite à revenir vers le rythme et l’intonation qui constituent une thématique forte de ce blog.
La 1ère contribution sonore est celle de N. Obin sur Radio Thésard. Il mène des recherches sur l’analyse et la modélisation de la prosodie et des styles de parole. C’est un acousticien également titulaire titulaire d’une thèse en traitement automatique de la parole et linguistique computationnelle. Ecoutez son entretien en cliquant sur la pastille voix dans l’application Thinglink disponible en cliquant sur le lien ci-après à gauche.
Le 2ème apport nous fait quitter l’univers de France Culture. Pour nous faire écouter une conférence intitulée Cette voix qui parle de nous, donnée en 2013 par Anne Lacheret, professeur en sciences du langage à l’université de Paris ouest Nanterre. Voici le synopsis de cette intervention: « Dans les interactions langagières au quotidien, la voix est convoquée pour transmettre des informations, décrire des situations, raconter des histoires, exprimer un point de vue, convaincre, etc. Elle se fait oublier dans les paroles prononcées, mais elle agit aussi à travers elles, et elle est mémoire par son timbre, son intensité, sa texture, ses modulations, en un mot : sa prosodie. Avec la prosodie, un phonostyle s’inscrit fluctuant selon les époques, les situations de communication et les genres de discours qu’elles engendrent. C’est donc d’expressivité vocale dont il sera question dans cette communication, consacrée à la dimension sémiologique de la voix. Tour à tour signe et signal, l’expressivité vocale n’intervient pas seulement dans des situations de communication stéréotypées, qui exigent une rhétorique bien rodée et témoignent d’un « acte social pur » ; elle se constitue naturellement d’abord au cours des interactions de la vie quotidienne, la voix s’y donne, s’y perd, s’y construit, s’y déconstruit et s’y reconstruit et, chemin faisant, parle de nous au plus profond de l’intime, dit nos émotions, nos sentiments, bref : porte les traces indélébiles de notre passage. Finalement, cette voix qui parle de nous est bien une signature qui s’inscrit dans la mémoire de ceux qui l’entendent et se donnent également la peine de l’écouter pour ne pas l’oublier. Les ressources mobilisées pour étudier scientifiquement cette voix, qui se fait tour à tour mémoire collective et individuelle, sont multiples (physiologiques, culturelles, ethnologiques, sociales, artistiques, langagières, etc.).
C’est des ressources physiologiques et langagières dont il sera question dans cette communication au regard de différents usages, dans une perspective à la fois historique (variation du style vocal au gré des époques) et contemporaine (variation des phonostyles selon les situations de communication et l’état affectif du sujet parlant) ».
Afin de boucler la boucle…
Je vous renvoie vers un sympathique dossier traitant du langage envisagé sous divers aspects. Chantier vaste s’il en est car se trouvant au carrefour de plusieurs disciplines, sciences sociales, biologie, neurosciences, anthropologie, communication, culture… Le dossier tente d’aborder sous différents angles plusieurs aspects du langage chez l’humain.