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Le multimédia, un recours au secours de la phonétique du fle à visée didactique 

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Pourquoi le multimédia est-il de nature à promouvoir la phonétique du fle

Entamons cet article en énonçant une évidence: la phonétique dite “corrective” (déjà un vilain mot) en langue étrangère, ici le fle, est souvent source d’inquiétude et de frustration pour beaucoup d’enseignants comme d’apprenants. Discipline étrange pour ne pas dire ésotérique, aux pratiques parfois singulières, aux résultats imprévisibles et jamais garantis nonobstant la bonne volonté et les efforts des différents acteurs. 

Quand la phonétique communément appelée “corrective“ est devenue partie intégrante de l’enseignement/apprentissage du fle à partir des années 60 du XXème,  le matériau à disposition consistait en des manuels accompagnés de bandes magnétiques puis de cassettes regroupant les différents exercices à effectuer au laboratoire de langues ou en autonomie. A partir des années 90, on assiste à l’essor du matériau sonore sur cédérom, beaucoup plus aisé à manipuler. A l’orée du XXIème, le développement du web 2.0 permet à tout un chacun de devenir un participant actif d’internet. Les réseaux sociaux, les wikis et les blogs personnels se développent rapidement. Les premiers sites de phonétique fle apparaissent. De façon générale, ils mettent des exercices à disposition sur le modèle de ceux figurant dans les manuels papier. Certains proposent des pages expliquant les diverses méthodes de correction phonétique: méthode articulatoire, des oppositions phonologiques, verbo-tonale. Ce contenu est dans l’ensemble assez succinct. La part belle est dévolue à toutes les activités sonores permettant à l’élève d’entendre, de prononcer et d’interagir avec les sonorités parolières de la langue étudiée. Par la suite, des méthodes et des ouvrages de phonétique de fle mettent en ligne des sites compagnon donnant accès à des activités complémentaires. 

L’apprenant gagne de plus en plus en autonomisation avec un matériel et des applications lui simplifiant de plus en plus la vie.  Chacun dispose désormais de son propre labo de langues avec une grande richesse de contenus. Tout apprenant  a aisément accès à des sites lui permettant d’effectuer de exercices de perception, production, avec appui ou non sur la version écrite des items. Si il est un tant soit peu curieux, il peut facilement trouver d’autres contenus permettant d’aller plus loin en fonction de ses intérêts: illustrations animées d’orthodiagrammes de la formation articulatoire de tel ou tel son, consultation de différents graphes fournissant une représentation de l’onde sonore générée (et pourquoi pas, l’élève c’est coinnu est à l’aise avec ce genre de tracé!), recherche de démonstrations de correction phonétique… 

 Ce qui précède souligne la pauvreté du support papier vs la diversité des sources d’accès à de multiples aspects relevant de la phonétique du fle, devenant instantanément disponibles et exploitables dès lors qu’elles sont identifiées et sauvegardées. La phonétique à visée didactique (plutôt que corrective) est de fait la matière la plus difficile à formaliser à l’écrit. Surtout quand les commentaires deviennent techniques. Leur compréhension nécessite concentration et parfois une certaine capacité d’abstraction. 

Par contre, la phonétique est une discipline très visuelle. Le multimédia développé sur internet avec le web 2.0 désigne l’utilisation simultanée et interactive de plusieurs modes de représentation de l’information: textes, sons, images fixes ou animées. Son concours est d’un grand secours pour appréhender la phonétique dans une dimension beaucoup plus globale,  polysensorielle.

 Le multimédia constitue le mode de transmission de l’information privilégié par le Blog Au son du fle mis en ligne le 18 juin 2014 afin de promouvoir la phonétique du fle à visée didactique en se fondant sur la méthode verbo-tonale d’intégration phonétique (désormais MVT).

Le contenu du blog est résolument pédagogique. Il s’adresse aux enseignants, formateurs et étudiants de fle comme aux orthophonistes voulant s’initier ou approfondir leurs connaissances ou leur expérience dans ce domaine. Au son du fle se fonde sur un crédo: la phonétique du fle se démontre mais aussi -et surtout- elle se montre. Effectivement, un livre sérieux dans ce domaine, donc exigeant, demande un fort investissement personnel afin d’intégrer l’ensemble des informations puis d’éventuellement se lancer dans des pratiques remédiatrices. Une vidéo montrant un formateur, de préférence expérimenté, en interaction avec ses apprenants a un impact beaucoup plus immédiat. Le spectateur (étudiant, prof) est directement témoin de la façon dont s’applique un procédé remédiatif donné, en. voit les différentes étapes -pouvant être différentes d’un apprenant à l’autre- constate qu’effectivement ça marche. Il s’investit plus facilement car la théorie, illustrée par la pratique, devient pour ainsi dire “palpable”. Cet aspect tangible de la phonétique à visée didactique valide certains développements écrits pouvant paraitre abscons car ardus à se représenter dans les faits. 

Au son du fle privilégie résolument le multimédia car le blog n’est pas apparu ex nihilo. Il constitue le prolongement d’une ressource numérique pédagogique intitulée La méthode verbo-tonale co-produite par l’Université Ouverte des Humanités (UOH)  et l’université Toulouse Jean-Jaurès sous la direction pédagogique de votre serviteur et mise en ligne en 2013 (lien en infra). Cette ressource multimédia présente la MVT au moyen de différents supports en mettant en valeur  plusieurs dizaines de vidéos enregistrées dans des conditions professionnelles. Elles illustrent des moments de correction phonétique du fle pris sur le vif avec des étudiants de maintes nationalités. La majorité de ces vidéos comporte des incrustations commentant les procédés utilisés par l’enseignant pendant  le déroulement de la séquence ou faisant un bref bilan en guise d’image finale. Ces vidéos apparaissent sous forme de boutons clicables dans le corps du texte quand les divers procédés de remédiation sont explicités ou encore au moment où les différents paramètres prosodiques sont abordés.  Telle ou telle procédure remédiatrice prend vie sous les yeux et les oreilles du lecteur qui accède ainsi à une démonstration in vivo.  Il peut visualiser et entendre immédiatement ce qu’il vient de lire. Ce qui assure une meilleure imprégnation et compréhension des phénomènes décrits. 

Cette ressource multimédia dédiée à la phonétique du fle a été la première à être résolument orientée vers et pour la formation des praticiens dans une dimension audio-visuelle. Elle a d’ailleurs rapidement trouvé son public. Et apporte une dimension entièrement nouvelle permettant de s’immerger dans la discipline avec davantage de réalisme et de quiétude.

Au son du fle se situe dans le droit fil de cette réalisation. Il restait tant de choses à dire et à montrer. D’où la résolution de plonger les mains dans le cambouis et de s’atteler à la réalisation d’un blog destiné à promouvoir la phonétique du fle à visée didactique en mettant résolument en valeur la méthode verbo-tonale.

Pourquoi médiatiser la méthode verbo-tonale

Pour rappel, cette méthode est apparue au tout début des années 60 du XXème avec l’avènement du courant structuro-global audio-visuel (SGAV). Elle a été largement diffusée pendant 20 ans avant d’être mise sous le boisseau pendant les Approches communicatives dès les années 80. La phonétique était alors considérée comme une discipline terriblement rébarbative et donnant fort peu de résultats probants. Outre cela, conserver son accent était pour l’apprenant une marque essentielle de son altérité (mot vedette de l’époque). Ceci a eu comme conséquence de former des élèves s’exprimant en français avec un accent épouvantable. A tel point qu’au début des années 90 on assiste à un retour en grâce de la phonétique dans l’enseignement/apprentissage du fle. Au cours des années suivantes, tous les éditeurs publient des ensembles pédagogiques répartis sur trois niveaux: débutants, intermédiaires, avancés. Ces éditions accordent une place de choix à la gestion des différents paramètres prosodiques: intonations, accentuations et rythme. La MVT est parfois convoquée pour poser le diagnostic de tel type d’erreur, principalement pour les voyelles et consonnes. Elle est généralement présentée de manière imprécise et souvent noyée dans une terminologie articulatoire, plus familière et accessible aux enseignants. Voir un historique de l’évolution des manuels de phonétique ici et

De fait, la MVT bénéficie d’une bonne renommée car considérée comme efficace. Mais elle est devenue confidentielle. Les formateurs de formateurs en mesure de faire coïncider un discours théorique avec des mises en pratique authentiques se comptent désormais sur les doigts d’une main. D’où le flou qui l’entoure depuis des années.

La méthode verbo-tonale 

  • repose sur le principe du crible phonologique: tout individu perçoit les sonorités d’une langue étrangère sur la base du système sonore de sa langue maternelle acquise dès l’enfance. Partant, il perçoit mal certains sons, les déforme, est fonctionnellement sourd à leurs spécificités. Dit autrement, on prononce mal les sons d’une langue étrangère parce qu’on les entend mal;
  • insiste sur l’importance à accorder aux paramètres prosodiques en toute circonstance. Avec l’extraordinaire richesse constituée à l’oral par les intonations, les accentuations, le rythme. Au passage, rappelons qu’à l’oral toute la langue est contenue dans l’intonation…
  • met en évidence que la parole c’est du mouvement incluant la participation de l’ensemble du corps. Ce que les vidéos soulignent à l’envi: tout procédé de correction s’accompagne d’une gestualité facilitante indispensable à sa réussite. Gestes que les élèves reproduisent spontanément. Gestes qu’une description scripturale décrit imparfaitement et dont on peut avoir l’impression qu’ils sont secondaires. Gestes dont une illustration -dessin, photo- est impuissante à rendre la dynamique.
  • prend en compte le caractère multi-sensoriel de la perception et de la production: l’audition a partie liée avec l’articulation, la motricité, la vision et la mémoire.  Sans oublier la proprioception. La MVT est une phonétique holistique.

 On est ici dans une dimension beaucoup plus complexe et globale que dans la méthode articulatoire omniprésente en phonétique du fle, réduisant l’apprentissage des sons à leur seule articulation en s’efforçant d’inculquer aux élève un réflexe articulatoire unique pour chaque son étudié. 

Contrairement à l’approche articulatoire confite dans l’immobilisme depuis des décennies, la MVT est d’abord une problématique. Elle est ouverte et évolue.  

Les paramètres interdépendanrts de toute pratique verbo tonale

Le blog Au son du fle est le reflet de cette progression. La MVT y est naturellement présentée comme relevant de l’oralité en didactique de l’oral. D”ailleurs, ce n’est pas un hasard si ce concept a été développé par des phonéticiennes du fle: E. Lhote, C. Weber, L. Abou-Haidar pour ne citer qu’elles (biblio en fin d’article).Il est également sous-jacent dans la figure n° 2 qui reprend des disciplines et mots-clé formant la trame des publications parues depuis ses débuts.

Quelques disciplines et thèmes majeurs en MVT

Ces perspectives apparaissent aussi dans la figure suivante qui illustre une vision globale du champ d’action et des enjeux de la phonétique corrective dans une perspective verbo-tonaliste. Et qui constitue à nos yeux le véritable champ d’action de la phonétique à visée didactique.

Lue de haut en bas, la figure montre combien la phonétique à visée didactique est présente dans de nombreuses disciplines au sein des SHS -Sciences Humaines et Sociales-. Car le cerveau humain est également culturel et social. Parcourue de bas en haut, elle illustre des dimensions certainement insoupçonnées au départ mais qui peuvent concerner bien des enseignants. Ceux-ci prennent dès lors conscience de l’ouverture que représente cette discipline qui aborde tous les aspects de l’oralité en langue étrangère.

: en phonétique du fle à visée didactique tout est lié. Les divers niveaux sont intercorrélés

Une autre plateforme audio-visuelle de formation

La plateforme d’autoformation Prononciation Interaction et Phonétique Corrective en fle (PIPC) est proposée sur le portail de l’UOH en février 2019. Votre serviteur en a également assuré la direction pédagogique.

Il convient de distinguer deux parcours au sein de la ressource audio-visuelle PIPC:

1.     Le parcours SCP Sons communication et parole est « tous publics ». Il constitue une initiation à la Phonétique générale et descriptive du français. Les objectifs globaux sont :

–     de définir ce que recouvrent les notions de communication, langage et parole

–     de distinguer les différentes composantes de la matière sonore du français- sons, rythme intonation-, d’en montrer les caractéristiques et d’en décrire le fonctionnement dans la communication et l’interaction orales,

–     d’établir des comparaisons avec d’autres langues-cultures afin de mettre concrètement en évidence des différences perceptives et culturelles.

2.     Le parcours PEPF Pratiques de l’enseignement de la prononciation en fle est plus spécialisé en phonétique corrective du français langue étrangère et seconde (FLES). Il concerne plus particulièrement les étudiants, enseignants, formateurs, méthodologues et didacticiens du domaine. Et, plus largement, tout « professionnel » de langue vivante (L2), certains principes étant transposables pour toute L2. Les objectifs globaux sont:

–     de circonscrire les domaines d’intervention de la phonétique à visée didactique (plus valorisant que « phonétique corrective », expression consacrée par l’usage)

–     d’aborder des problèmes d’ordre pédagogique évacués par les manuels qui n’abordent que les aspects techniques, et de proposer des suggestions et des solutions;

–    de présenter les différentes méthodes de correction phonétique en détaillant les procédures de remédiation qu’elles recommandent en les illustrant par de nombreux extraits vidéos;

–     de faire dialoguer entre eux des praticiens chevronnées en correction de la prononciation du fle qui échangent sur leurs pratiques;

–     de s’interroger sur les questions d’accents, de norme, de « bonne » prononciation en les replaçant non dans l’aire de l’Hexagone mais dans l’espace francophone, ce qui bien plus réaliste.

 

Le blog fournit une foule de contenus diversifiés directement exploitables dans une perspective de formation à l’enseignement de la prononciation du fle – comme d’autres langues vivantes, certains principes ayant une portée générale. Un professeur de langue autre que le fle séduit par l’approche MVT peut ainsi construire le système phonético-phonologique de l’idiome qu’il enseigne en s’inspirant de ses principes. Ceci avait été fait il y a longtemps pour des langues comme l’anglais, l’espagnol, l’italien, l’allemand, le chinois, le  russe et le serbo-croate. Et puis, la mémoire s’est perdue…

L’apprenant -prof, étudiant, orthophoniste- peut se former à son propre rythme et en complète autonomie. En utilisant son propre matériel numérique: ordinateur, tablette, téléphone. Toute personne consultant ces documents peut le faire à n’importe quel moment et de n’importe quel endroit à condition d’avoir une connexion internet. Il peut également télécharger un fichier sur lequel il souhaite revenir ultérieurement ou qu’il envisage de montrer à d’autres personnes dans un environnement où aucune connexion n’est passible.

Car toutes ces ressource mises à disposition sont en accès libre sous licence CC. Cela vaut la peine d‘être souligné. La seule demande de l’auteur est d’indiquer la source du document.

Dans le cas d’une formation en présentiel, l’écosystème d’Au son du fle permet d’utiliser et de commenter des figures et tableaux divers, de nombreux petits films de démonstration MVT et toute autre documentation disponible. La navigation à l’intérieur d’une ressource comme entre les ressources est rapide et fluide. On ne perd pas de temps. Et les formés deviennent les témoins des pratiques authentiques de correction phonétique. Ils s’imprègnent des différentes procédures de correction, assistent aux réactions des élèves, voient les réussites mais également les insuccès car il arrive que cela ne marche pas. Et dans ce cas, comment le prof gère la situation. Réponse: toujours rester positif et souriant, faire une plaisanterie le cas échéant, ne jamais incriminer l’élève. Il ne fait pas exprès de ne pas prononcer correctement.

Une précision: toutes les informations disponibles sont fiables. Cela peut paraitre étrange de le préciser. Mais quand on voit certaines  vidéos sur Youtube où des personnes n’ayant manifestement aucune compétence en phonétique dispensent des “conseils” afin de parvenir à prononcer tel ou tel son, il est préférable d’enfoncer cette porte ouverte. 

Je terminerai sur une chose qui me sidère, le nombre de visites quotidiennes. Depuis 2016, il tourne autour de 900 en période scolaire et ne descend pas en dessous de 250 pendant les mois de congés. Succès absolument inattendu pour un blog de niche. D’autant plus que la discipline a souvent mauvaise presse comme indiqué au début de cet article. Et que les didacticiens ont tendance à s’en méfier  et à la négliger… alors que la curiosité des gens est forte et que les demandes de formation sont fortes. Par sa souplesse, sa réactivité, le nombre varié de documents mis instantanément à disposition des utilisateurs, le multimédia est de nature à rendre à la phonétique la place qu’elle devrait naturellement occuper en didactique des langues.æ

 

BIBLIOGRAPHIE

Abou Haidar, L.  (2021) L’oral à l’ère du numérique : enseigner et apprendre autrement ?  Alsic [En ligne], Vol. 24, n° 2 | 2021, mis en ligne le 29 septembre 2021, consulté le 13 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/alsic/5739 ; DOI : https://doi.org/10.4000/alsic.5739

Billières, M (2017)  L’oralité en didactique du fle – carte heuristique https://www.verbotonale-phonetique.com/loralite-didactique-fle-carte-heuristique/

Billières, M (2023) L’écosystème de Au son du fle pour la phonétique à visée didactique https://dsh.re/8eb34

Detey, S. (2024) Savons-nous vraiment parler? Du contrat linguistique comme contrat social. Paris, Armand Colin

Lhote Élisabeth, (2001) Pour une didactologie de l’oralité. Ela. Études de linguistique appliquée, 2001/3 (n° 123-124), p. 445-453. URL : https://www.cairn.info/revue-ela-2001-3-page-445.htm

Weber, C. (2013) Pour une didactique de l’oralité . Enseigner le français tel qu’il est parlé. Paris, Didier

 

Et pour rappel

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