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Le SGAV, c’était ceci

La méthodologie structuro-globale audio-visuelle (SGAV) élaborée à partir des années 50 du XXe par Paul Rvenc et Petar Guberina a marqué les débuts officiels du français langue étrangère. Les méthodes audio-visuelles issues du courant SGAV ont profondément influencé l’enseignement/apprentissage du fle ainsi que d’autres langues étrangères au cours des années 60-80. Cet article rappelle succinctement quelques traits saillants de ce que fut le SGAV.

Le SGAV est d’abord une problématique

Cette problématique résulte de la  mise en œuvre des réflexions, observations, et pratiques d’un ensemble de théoriciens, praticiens, concepteurs de cours et de formateurs, désireux de promouvoir la connaissance des langues vivantes.

Ce mouvement, né dans les années 50, sous l’impulsion de P. Rivenc et P. Guberina, s’est efforcé d’établir à tous les niveaux d’apprentissage une cohérence méthodologique des outils, des pratiques, et des théories.

Problématique a été progressivement préféré à  méthode ou méthodologie car ce terme souligne le développement constant de la réflexion des SGAVistes et leur répugnance à se soumettre à certains schémas réducteurs tels que:

– théories inspirant des applications;

– méthodologies figées et présentées de manière dogmatique;

– méthodologies complètement coupées des pratiques qui en découlent;

– théorisations non soumises à l’épreuve des faits, autrement dit du terrain d’expérimentation  naturel constitué par la salle de classe.

Comment s’effectue l’appropriation de la langue cible

Elle se fait par structuration progressive de pratiques globales, authentiques ou simulées.

Appropriation indique qu’il s’agit d’un phénomène individuel qui n’est pas réductible à un processus mécanisciste d’apprentissage, mais qui implique une intégration de la langue cible (moyen d’expression et de communication marqué par une tradition socio-culturelle spécifique) au vécu réel ou imaginaire de l’apprenant;

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Langue ne revoie pas seulement aux éléments verbaux (mimo-getsuelle, intonatifs, proxémiques), mais aussi au pré-con◊struit culturel et aux conventions discursives et interactionnelles, constitutifs de la communication;

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Structure est à prendre dans un sens beaucoup plus proche de celui de la psychologie de la forme (Gestalthéorie) ou de la psychologie piagétienne que de celui de la linguistique structurale en particulier américaine);

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Global signifie que la structuration se fait à partir de l’appréhension par l’apprenant de l’ensemble des composantes de la communication (physiologiques, psychologiques, linguistiques, sociologiques, ethnoculturels…);

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Pratique englobe les procédés de perception  et d’appropriation et l’ensemble des interactions communicatives et expressives spontanées ou suscitées didactiquement;

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Authentique ou simulée se réfère à des techniques pédagogiques mettant en jeu soit la situation réelle de la classe et des relations interpersonnelles qui s’y instaurent, ,soit des situations simulées (par exemple, par des moyens audio-visuels ou par des jeux de rôle) correspondant entre autres à celles auxquelles seront confrontés les apprenants.

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Ces options théoriques ne peuvent se concevoir qu’avec la mise en œuvre d’une problématique méthodologique, celle-ci enrichissant régulièrement celle-là.

Quelques pratiques recommandées par le SGAV

Une progression souple ou diversifiée, aussi bien au plan de l’ensemble du cours de langue que de l’unité didactique, plutôt u’une succession chronologique strictement programmée. Dans cette perspective, on aura recours aux activités ludiques et à l’imaginaire créatif des apprenants (invention de jeux, dessins collectifs…);

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Un travail phonétique visant à une intégration qui s’effectue chez l’apprenant au cours de l’activité de groupe plutôt qu’une correction phonétique des phonèmes isolés. Le rôle des facteurs prosodiques (associés aux rythmes corporels) constitue une composante essentielle;

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L’apprentissage de la langue fait partie intégrante de la démarche globale d’appropriation des moyens d’expression et de communication tels qu’ils ont été définis précédemment. La progression et les exercices à dominante grammaticale sont intégrés à la progression d'<ensemble. Elle est inséparable de la démarche d’intégration des éléments d’expression non verbaux et fait appel à des pratiques qui partent des situations authentiques et:ou simulées) proposant des parcours d’apprentissage diversifié et des exercices variés fondés complémentairement sur l’intégration d’une grammaire implicite et d’une grammaire explicite, outes deux exclusivement orientées vers la communication et l’expression;

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L’écrit, comme l’oral, est enseigné dans ses dimensions pragmatiques et communicatives.

Le SGAV, la mise en œuvre d’une problématique méthodologique

Cette problématique se concrétise par un ensemble de traits:

Système verbo-tonal d’intégration phonétique, fondé sur l »interdépendance de l’audition et de la phonation, produits de l’ensemble de l’activité corporelle (gestes, attitudes, mouvements…);

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Appropriation des moyens d’expression et de communication non seulement réfléchie et consciente, mais aussi spontanée, affective, voire même inconsciente, en recourant à des stimulations verbales mais aussi corporelles;

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la langue orale et écrite est toujours présentée en situation simulant un réel extérieur à la classe (avec des moyens audio, par exemple) prenant appui sur le vécu concret ou imaginaire du groupe; progression et démarche « en spirale » permettant l’appropriation par approximations successives en respectant les approches autonomes diversifiées;

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priorité méthodologique à l’oral afin de faciliter l’appropriation de la langue orale et écrite.

 

Le SGAV c’est du passé, c’est dépassé?

Oui et non.

OUI

si on adopte un point de vue diachronique. Ce courant audio-visuel s’est développé à partir de la technologie disponible dans les années 50-70 ainsi que des réflexions pédagogiques et méthodologiques par elle suscitées. Compte tenu des connaissances de l’époque dans les différentes Sciences humaines. Mais la roue tourne. Inexorablement. D’autres modes pédagogiques se sont imposées. Le notionnel-fonctionnel de la fin des années 70 et les Approches communicatives des années 80, l’éclectisme des années 90 – qui est au fond le constat de la fin d’une réflexion méthodologique approfondie et servie par des pratiques authentiques. Et, naturellement, l’Approche actionnelle et son Grand Livre rouge, le CECRL. Un très beau discours didactique, très policé et mondain, avec tous les jolis mots clé qu’il faut et les concepts à la mode, mais absolument creux en ce qui concerne la formation pratique des (futurs), profs de fle. 

NON

si on se dit que notre métier c’est d’enseigner une langue étrangère, de faire en sorte que nos élèves s’y intéressent et parviennent à communiquer avec des natifs.

Certes, les méthodes SGAV ne sont plus utilisables telles quelles aujourd’hui. Un cours audio-visuel vieillit très vite. Les images notamment reflètent un moment précis et deviennent rapidement surannées. Il en va de même des personnages, stéréotypes de telle classe sociale à telle époque. Même chose pour le contenu et la thématique des dialogues.  Et la technologie évolue rapidement. Qui aujourd’hui songerait à faire une leçon audio-visuelle en s’appuyant  sur un projecteur (de films fixes / de diapositives), un magnétophone (à bande / à cassette) et une flèche lumineuse? – et en les utilisant harmonieusement et à bon escient-? A part les incurables nostalgiques. S’ils disposent encore de ces outils en état de marche. On s’est beaucoup gaussé de cet appareillage à la fin du siècle dernier. En oubliant un peu trop vite que c’était ce qui se faisait de mieux à l’époque en matière de technologie. Et que les sgavistes ont eu l’immense mérite de s’appuyer sur elle pour construire des ensembles pédagogiques complexes mais structurés, méthodologiquement explicités et donnant des résultats probants car utilisés par de enseignants pédagogiquement formés. Et que des générations entières d’élèves étrangers ont appris le français sur la base de ces méthodes audio-visuelles. Qui donnaient de bons résultats.

Ce qui perdure dans la problématique SGAV jusqu’à maintenant, c’est une certaine conception de l’enseignement/apprentissage des langues vivantes. C’est une réflexion pédagogique et méthodologique exigeante, nourrie à l’épreuve des faits, faisant son miel de l’expérience concrète du terrain et des échanges permanents avec des enseignants enseignant quotidiennement le fle. C’est aussi beaucoup de bon sens. Et donc une certaine dose d’humilité. Il y a encore certaines choses que nous ne connaissons pas dans le fonctionnement de l’apprenant, et pour lesquelles nous n’avons pas de solution.

Les méthodes SGAV constituaient des ensembles pédagogiques complexes: livre du maître de l’élève, cahier d’exercices, enregistrements pour la classe, le labo langues, films fixes.  Cette méthodologie était explicitée et justifiée pas à pas. Certains s’en réjouissaient. Il était agréable de disposer d’un cours commentant la démarche pédagogique avec un luxe de détails. D’autres s’en offusquaient. Et dénonçaient le caractère rigide, voire dogmatique de « l’évangile selon Saint-Cloud »  (le CREDIF étant sis dans les locaux de l’ENS de Saint-Cloud, rien à voir avec les GAFA).

Voix et Images de France, De Vive Voix, Archipel, trois méthodes SGAV dont le nom est connu de tous les enseignants de fle, qui sont citées dans tous les ouvrages évoquant l’histoire du français langue étrangère. Et aujourd’hui, parmi la pléiade d’ouvrages disponibles grâce au dévouement de nos généreux éditeurs,  à quelle méthode se référerait-on pour personnifier l’approche actionnelle? Laquelle sortirait de l’anonymat?

Mais soyons optimistes! Le conseil scientifique de l’éducation nationale, au service de la communauté éducative a été installé le 10/01/2018 par l’actuel ministre de l’Éducation. Il acte de fait la prééminence de la neuropédagogie. Et c’est reparti pour un tour. Les psychologues cognitivistes nous promettent un avenir radieux. Et les didacticens du fle, ils sont où dans tout ça?

MàJ du 09/07/2019

Ce Conseil scientifique a désormais un site. Découvrez-le en cliquant ici

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Crédit Photo by Artem Sapegin on Unsplash

7 commentaires sur “Le SGAV, c’était ceci”

  1. Bonjour Monsieur Billières,

    Je voudrais savoir, les cours de l’initiation d’une langue inonnue sont toujours basée sur Le SGAV? Puisque par
    exemple, dans notre cours de l’initiation d’une langue, nous utilisons plutot les images ( sur papier) comme le support pédagigique. Tandis que La Méthodologie SGAV est basée sur les filmes fixes. J’ai vu quelques parties de la « Voix et Images de France ».

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