Extraits vidéo d’une démonstration en direct de la méthode verbo-tonale lors d’une formation de formateurs dispensée à Paris en septembre 2017.
Le contexte de la formation.
J’avais été invité à animer une formation de formateurs en phonétique corrective du fle à Langues plurielles, un organisme parisien qui dispense des formations de qualité auprès de publics divers dont certains en situation précaire.
L’équipe, très dynamique, ressentait un besoin urgent d’être initiée à la phonétique corrective pratique car ayant souvent affaire à des personnes en grande difficulté linguistique qui, malgré leur évidente bonne volonté, éprouvent d’énormes difficultés à percevoir et donc à restituer les sonorités du français. Et restent de ce fait incapables de la moindre progression.
J’ai assuré deux ateliers de démonstration in vivo durant cette formation, fidèle à mon principe: la correction phonétique se démontre mais surtout se montre.
Les formateurs avaient demandé à des volontaires de se prêter au jeu. Pour cette séance, qui s’est tenue en fin d’après midi, j’ai travaillé avec trois personnes présentant un niveau A1:
- une Portugaise (à gauche de l’écran);
- un Malien;
- un Bangladais (à droite de l’écran).
Les formateurs se trouvent dans mon dos, derrière la caméra et je m’adresse souvent à eux pour commenter tel ou tel fait.
La Portugaise et le Bangladais sont en France depuis plusieurs années mais vivent dans un ghetto linguistique. Ils ont très peu de contacts avec les Français. Ils ressentent le besoin de prendre des notes (je ne les en empêche pas). A noter que leur âge constitue un handicap pour travailler la prononciation du français. Ce qui n’est pas le cas du jeune Malien. Les attitudes sont également intéressantes: le Malien et le Bangladais jouent le jeu et collaborent avec le prof, la dame portugaise ne prête pas vraiment attention à mes propos, elle manifeste une plus grande indépendance par rapport à la guidance que j’essaie de lui apporter.
Avant de proposer des phrases à répéter, j’ai fait une petite leçon zéro de cinq minutes afin de préciser les règles du jeu. Mes collègues sont intervenues à plusieurs reprises afin de compléter telle ou telle information.
Les spécificités de ces apprenants.
Le profil de la dame portugaise et du monsieur bangladais sont intéressants. Ils s’avèrent incapables de répéter un énoncé composé de quelques syllabes. Ils restituent une bouillie sonore incompréhensible. J’imagine volontiers le désarroi d’un prof de fle confronté à ce problème. Ecoutez les trois 1ers échanges de la vidéo, c’est du lourd! Avec ce genre d’élève, il est absolument vain de vouloir travailler sur telle voyelle ou telle consonne. C’est une complète perte de temps.
Dans ce cas, la priorité absolue est d’installer le rythme. Et d’abord d’obtenir le bon nombre de syllabes. Je m’y emploie de diverses manières en
- proposant des groupes rythmiques cours (3 à 4 syllabes);
- les visualisant gestuellement – ce qui permet d’en indiquer les frontières marquées par la syllabe finale porteuse de l’accent primaire et susceptible d’être suivie d’une pause que j’effectue et qui constitue un répit en même temps qu’elle permet de traiter l’information;
- effectuant un décompte syllabique avec les doigts;
- ayant recours à des logatomes de type dadada;
- reprenant l’énoncé de la fin vers le début, ce qui alimente la mémoire à court terme par effet de récence.
Vous avez intérêt à (re) lire ces deux articles consacrés à la mémoire de travail sollicitée durant la correction phonétique avant de consulter la vidéo. Vous comprendrez mieux la logique du travail entrepris par le formateur.
Ma façon de fonctionner avec ces personnes est de valoriser au maximum le travail sur la prosodie -rythme et intonation- en l’associant systématiquement avec la gestualité naturelle accompagnant la parole. Les mouvements de la main notamment constituent des signaux forts pour l’apprenant qui reçoit une information visuelle complémentaire à l’information sonore. Et qui peut être encore renforcée kinesthésiquement s’il reprend par imitation, même partiellement, la gestuelle de l’enseignant. Il convient de ne pas oublier que
- toute information est captée de façon multicalnale;
- la méthode verbotonale est résolument polysensorielle – ce qui est certainement plus évident avec les publics mal entendants que apprenants.
Par conséquent, je continuerai à privilégier continuellement les rapports entre mouvements rythmico-mélodiques -prosodie- et gestualité facilitante même quand je travaillerai sur la mise en place d’un son défectueux, par exemple la restitution de [ʒ] prononcé [z] ou de [v] rendu par [b] – ce dont vous serez témoins en visionnant la vidéo. Et je néglige la correction de que ou de prononcés avec un timbre trop clair [e]. Ce n’est pas le plus important. Alors que, je le rappelle, la rectification est facile à obtenir en plaçant le son cible en intonation descendante et/ou en pratiquant la prononciation inversée.