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prof débutant en correction phonétique: quelques suggestions

Vous êtes un professeur de fle – ou d’une autre langue vivante – et décidez de prendre les problèmes de prononciation de vos élèves à bras-le-corps. Joli défi, la discipline étant singulière à bien des égards, ne s’enseignant pas comme les autres matières habituelles (lexique, morphosyntaxe, culturel…), suscitant souvent l’inquiétude des profs comme des étudiants en même temps qu’une certaine fascination, présentée de façon caricaturale par certains didacticiens qui de toute façon n’y connaissent rien. On se reportera à deux publications du blog qui permettent d’étayer cette introduction tout en douceur:  ici et ici

Comment vous organiser quand vous débutez en correction phonétique, à quoi devez-vous penser, quelles sont vos priorités, comment gérer les multiples erreurs produites par l’apprenant dans un même énoncé? Cet article vous soumet quelques pistes pour que le cours de déroule du mieux possible.

Premier contact avec le groupe: la "leçon zéro"

Elle est indispensable. Tout élève a le droit de savoir à quelle sauce il sera mangé. Ne pas donner quleques indications préalables serait une funeste erreur. Imaginez que vous vouliez remédier à un son erroné en utilisant une intonation exagérée accompagnée d’un geste facilitant. Cela peut susciter la gêne et donc le rire, avec le risque de perdre le groupe. Au contraire, si les élèves sont prévenus, il acceptent ce moment particulier beaucoup plus facilement… avant de s’y accoutumer pleinement.

quels éléments mettre en valeur lors de la leçon zéro?

Voici les points à indiquer aux étudiants:

Les erreurs de prononciation en L2 sont normales. Pourquoi ? Parce que tout individu est conditionné par le système des sons de sa langue maternelle. Il entend les sons de la langue étrangère sur la base de cette référence sonore.

  • Si nous prononçons mal les sons d’une L2 ce que nous les entendons mal. Et c’est donc normal.
  • La méthode de phonétique corrective qui va être utilisée n’est pas articulatoire.
  • Cette méthode est destinée à ouvrir progressivement l’oreille aux sonorités du français

Divers procédés peuvent être utilisés:

  • un son peut être remplacé par un autre
  • un son peut être déformé
  • peut-être même vous devrez répéter un mot qui ne veut rien dire

Vous me faites confiance, vous répétez exactement ce que vous entendez.

  • Ce qui est très important dans une langue c’est sa « musique ». Le rythme et l’intonation sont essentiels et sont corrigés en première si nécessaire
  • le geste est également très important: quand on parle, on bouge. Le geste aide à bien prononcer. Je ferai ces gestes, si vous voulez les faire vuus les faites, si vous ne voulez pas vous ne las faites pas.
  • avez-vous des questions à poser ?
Vous pouvez vous reporter à ce document pour voir l’intérêt de cette leçon zéro pour l’élève comme pour l’enseignant. Consultez également le film pédagogique qui lui est consacré.
 
 

dans quelle langue faire la leçon zéro?

Si vous avez un groupe monolingue dont vous parlez la langue, rien ne vous empêche de la faire dans cette langue.

Si vous avez un groupe multilingue de débutants, vous pouvez éventuellement la faire en anglais… que tous les élèves ne connaissent pas forcément.

Mais vous pouvez également parler français en sachant pertinemment que vos futures victimes sont loin de tout comprendre. C’est là où les éléments non verbaux jouent un rôle essentiel: le timbre et la chaleur de la voix, le regard qui s’arrête un moment sur chaque élève, l’attitude pleine d’assurance en même temps que d’empathie de l’enseignant… Car la méthode utilisée ne néglige ni ne censure les émotions et autres affects des élèves. Petite piqûre de rappel au passage pour réviser vos classiques:

Premier cours: que prévoir?

Vous vous préparez à effectuer votre  première intervention. Vous avez sélectionné un certain nombre d’exercices en fonction des difficultés rencontrées par vos élèves. Vous souhaitez intervenir en direct sans passer par des enregistrements en provenance de méthodes ou de sites. Supposons que vous avez composé des énoncés que vous soumettrez à vos élèves afin qu’ils les répètent (nous y reviendrons plus loin dans cet article). Vous avez tout intérêt à

  • annoncer clairement la couleur. Je me lance dans la correction phonétique, je débute, j’ai besoin de votre aide. Les élèves apprécient cela. C’est le genre: tiens, le prof ne fait pas le malin, il admet qu’il peut se planter, il a besoin d’un coup de main, voyons ce que ça va donner. Il y a de la curiosité et de la sympathie. Et si l’enseignant ne parvient pas à corriger,  l’élève ne lui en veut pas.
  • préparer vos tableaux pour corriger voyelles et consonnes, avoir sous les yeux les procédés basiques de correction… Et ne pas hésiter à dire à vos élèves que vous allez peut-être vous servir de ces « antisèches » (cela vous évitera de paniquer si vous ne savez plus quoi faire). Une astuce possible consiste à avoir ces différentes figures à un format réduit sur une ou deux feuilles. Au début vous y jetterez un coup d’oeil, puis vous les laisserez sur votre bureau, enfin ces aide-mémoire resteront dans votre cartable.
  • vous limiter dans la correction au début pour élargir progressivement la palette. Par exemple, si vous avez affaire à des hispanophones, vous décidez de travailler sur une voyelle – le [y], pourquoi pas – et une consonne -le [ʒ], source habituelle de difficultés -. Certaines fois vous parviendrez à faire bien reproduire le son cible et serez proches de l’épectase, à d’autres reprises vous échouerez et c’est tout à fait normal. La fois suivante, vous vous attaquerez à une autre voyelle et à une autre consonne. Jusqu’à couvrit l’ensemble du système.

Voici les tableaux qui devraient vous tirer d’affaire:

 

Les tableaux à connaître pour pratiquer la phonétique fle

Vous pouvez vous en inspirer pour constituer votre vade-mecum. Leur commentaire est disponible dans le menu "Phonétique" du blog.

Comment construire une séquence d'énoncés à faire répéter

commencer par le commencement

  • Les énoncés à faire répéter peuvent consister en des  phrases que vous avez créées, des dialogues de leçons, des extraits de dialogues.

Dans les premiers temps, veillez à faciliter au maximum le travail de vos élèves:

✔︎ phrases créées par vos soins

  • Inutile de leurs proposer des séquences trop longues qu’ils ne pourront pas traiter en mémoire de travail,
  • favorisez toujours un découpage en mots phonétiques, unités minimales de sens en perception et en production en français, composées d’un nombre peu élevé de syllabes, plus facilement gérables que les groupes rythmiques. Commencez par des séquences courtes composées de deux ou trois mots phonétiques pour élargir progressivement.
  • ayez recours aux logatomes pour faire percevoir le rythme,
  • utilisez la gestualité facilitante pour permettre une appréhension visuelle et motrice des éléments prosodiques (cf. tableau ci-après),
  • quand vous travaillez sur un son en particulier, proposez-le sans une séquence courte (un mot phonétique ou deux au début) avant l’allonger les énoncés,
  • évitez de piéger les élèves dans des phrases où le son cible se retrouve à plusieurs reprises. Ainsi, pour le son [y], inutile de faire répéter des exemples tels que: Jules suce une prune mûre et sucrée, ou encore une buse hulule à la lune… Et, bien sûr, ne pas recourir aux vire-langues, ce qui est d’une imbécilité sans nom en phonétique corrective.
  • toujours favoriser l’oral, autant que faire se peut. Dès que vous abordez l’écrit, une régression phonétique apparaît. Aussi faut-il introduire la lecture progressivement, si cela est possible, et toujours revenir vers l’oral. Le rapport graphie-phonie est à manier avec précaution dans une langue comme le français où les liens sont particulièrement opaques.
gestualité facilitante pour la bonne reproduction des éléments prosodiques

✔︎ dialogues des leçons

Travailler sur ces enregistrements constitue un excellent entrainement pour les élèves qui découvrent d’autres voix -parfois d’autres accents- que celui du professeur. Mais l’entreprise présente un certain nombre de risques qu’il importe de connaître:
  • une voix sortant d’un haut parleur est toujours moins « convaincante » ou encore « saisissante » que celle d’une personne physiquement présente dans le même espace que les élèves,
  • les différentes répliques sont généralement enregistrées avec un débit normal, parfois même un peu trop rapide, afin de donner une impression de naturel. Certains élèves risquent d’être rapidement submergés,
  • certaines répliques sont  longues, composées d’un nombre important de syllabes. L’élève est complétement dépassé et ne peut les reproduire. Le professeur doit reprendre ces énoncés en les segmentant en mots phonétiques successifs,
  • le travail sur les dialogues enregistrés se fait exclusivement à l’oral sans le support du texte écrit sous les yeux. Dans le cas contraire, risque d’installation d’une véritable paresse phonétique.

Elaborer peu à peu son propre matériel

En application du principe « on n’est jamais mieux servi que par soi-même ». Ceci vous prendra du temps, plusieurs mois au minimum. Mais vous disposerez à terme d’une banque de ressources fiables. Que vous aurez tout loisir de compléter et d’améliorer au cours des années.

la constitution de fiches pédagogiques

Il s’agit d’une oeuvre de longue haleine mais qui présente un certain nombre d’avantages comme indiqué dans cet article. La vidéo recense les différents points dont il faut tenir compte dans l’élaboration d’une fiche pédagogique. Vous comprenez aisément que vous devez procéder par étapes. Mais vous avez très rapidement à disposition une liste de mots et de phrases pleinement opératoires en fonction des situations que vous rencontrez.

disposer de sa propre bibliothèque sonore

Vous pouvez collationner différents exercices tirés des manuels de phonétique et des méthodes fle. Et systématiquement reporter les sources sur vos fiches pédagogiques.

Vous avez également intérêt à vous constituer votre propre sonothèque à partir du matériau rassemblé dans vos fiches pédagogiques. Enregistrer des fichiers sonores de qualité ne pose plus de problème aujourd’hui. Surtout, variez les voix. Vous rendez service à vos apprenants car leur crible phonologique est confronté à une variété de timbres et il est permis de supposer que cela contribue à le rendre plus flexible.

Pensez aussi à vous constituer une bibliothèque sonore d’activités spécialement destinées à faire travailler le rythme et l’intonation du français. Là encore cela va demander du temps et une grande vigilance quant à la qualité des items retenus.

Songez à établir votre propre réserve de dialogues. Pensez que vous pouvez agir sur les enregistrements au niveau de la vitesse de défilement – la ralentir si besoin. Vous pouvez également ménager davantage de temps entre les répliques afin de laisser un plus grand délai à l’élève pour les répéter – et lui procurer un plus grand confort. Si vous avez besoin de dialogues réalistes sur plusieurs situations de la vie quotidienne, le podcast français facile peut être d’une aide précieuse. Si vous le pouvez, sollicitez différentes personnes pour ces enregistrements, variez les voix… et pourquoi pas les accents. Vous verrez comment vous les utiliserez.

Pour les groupes forts, des documents sonores authentiques peuvent être utilisés à des fins de perception de la parole en français. Personnellement,  j’aimais bien les reportages disponibles sur France Info. ll y a certainement d’autres sources tout aussi pertinentes.

avoir conscience de certaines difficultés

Pratiquer la phonétique du fle à visée didactique expose à se heurter à plusieurs obstacles.

la progression phonétique et la gestion des erreurs

La progression phonétique est propre à chaque apprenant et se déroule à un certain rythme son par son. Elle est loin d’être linéaire dans un premier temps et se caractérise par des alternances entre phases de progression et de régression. Je vous invite à prendre connaissance de cet article qui traite en détail de cette question et de son corollaire: comment gérer les erreurs phonétiques, auxquelles accorder la priorité.

combien d'élèves par groupe

Pour que la correction phonétique soit réellement efficace et que l’enseignant s’occupe de chaque élève, il convient de travailler en sous-groupes. Quinze personnes constituant l’effectif maximum.

la salle a également son importance. Un espace classe aménagé participe du succès de l’entreprise. Certains aménagements d’espaces sont plus propices à la communication. Les tables ou chaises disposées en U ou en V permettent aux participants de voir une majorité de condisciples. Il en est de même quand les élèves sont assis à des tables individuelles ou sur des chaises avec tablettes disposées en éventail. Dans ces deux cas, l’enseignant a la possibilité de se mouvoir à l’intérieur du groupe. Et est mieux à même de gérer le groupe sur le plan proxémique. Cet article permet de se rendre compte de l’importance de ces paramètres.

Le travail, debout est également une excellente solution. En formant un cercle afin que tous les participants se voient. ll est plus facile et plus naturel de jouer avec les intonations en pouvant bouger librement. Ce qui est plus limité en demeurant assis à sa place.

à quel moment du cours faire de la phonétique

Question préoccupant de nombreux professeurs. J’y reviendrai dans un prochain article.  Comme j’insisterai sur la nécessité de varier les activités. Un peu de patience! 😜

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